Affaire Krnojelac : jugement portant condamnation
Veuillez trouver ci-dessous le résumé du jugement portant condamnation .lu à l’audience du vendredi 15 mars 2002 par le Juge David Hunt, Président de la Chambre de première instance II.
La Chambre de première instance II prononce aujourd’hui son jugement dans le procès de Milorad Krnojelac. Le procès portait sur des événements survenus au Foča Kazneno-Popravni Dom, ou KP Dom, un grand complexe pénitentiaire situé dans la ville de Foča, dans l’est de la Bosnie-Herzégovine, où beaucoup d’hommes non serbes ont été détenus pendant de longues périodes.
Pour cette audience, je me propose tout d’abord de résumer brièvement les questions soulevées dans le cadre du procès et les constatations de la Chambre de première instance à cet égard. J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit là que d’un résumé, qui n’est pas partie intégrante du jugement rendu. Le seul exposé officiel des constatations de la Chambre de première instance et des motifs qui les sous-tendent figure dans le jugement écrit, dont des copies seront distribuées aux parties et au public à la fin de cette audience.
L’accusé, M. Krnojelac, était le directeur ou directeur par intérim du KP Dom pendant environ 15 mois en 1992-1993. Dans le cadre du procès, il devait répondre d’accusations de :
i) crimes contre l’humanité, sous forme de persécutions pour des raisons politiques, raciales et/ou religieuses, de torture, d’actes inhumains, d’assassinat, d’emprisonnement et de réduction en esclavage ; et
ii) violations des lois ou coutumes de la guerre, sous forme de torture, de traitements cruels, de meurtre, et d’esclavage.
Initialement, l’accusé devait également répondre d’infractions graves aux Conventions de Genève de 1949, sous forme de torture, du fait de causer intentionnellement des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé, d’homicide intentionnel, de détention illégale de civils, du fait de causer intentionnellement de graves souffrances et de traitements inhumains. L’Accusation a cependant abandonné ces charges peu avant l’ouverture du procès.
Lors des discussions relatives à l’acte d’accusation et avant l’ouverture du procès, l’Accusation a concédé qu’elle n’était pas en mesure de prouver que l’accusé avait personnellement participé aux événements censés s’être déroulés au KP Dom. L’Accusation a préféré alléguer qu’il adhérait à une entreprise criminelle commune visant à commettre les actes incriminés. Elle avait déjà allégué que l’accusé avait aidé et encouragé ceux qui avaient personnellement participé à la commission des infractions en question. Le procès s’est donc ouvert sur la base de ces formes de responsabilité individuelle de l’accusé, mais également de sa responsabilité pénale pour les actes de ses subordonnés en raison de sa position de supérieur hiérarchique.
Les pouvoirs de l’accusé en tant que directeur
Le principal argument soulevé par l’accusé lors du procès consistait à dire qu’en raison de la présence de l’armée dans le KP Dom, la prison était divisée en deux sections, une civile et une militaire. L’accusé a soutenu que bien qu’il ait été officiellement nommé directeur du KP Dom, ses pouvoirs étaient limités à la section civile, dans laquelle il n’y avait que des condamnés serbes et une unité économique. Selon l’accusé, les détenus non serbes étaient sous la responsabilité du commandement militaire, et aucune responsabilité ne peut lui être imputée pour les crimes commis au KP Dom sur la personne de ces détenus. La Chambre de première instance a rejeté cette version des faits. Elle est convaincue que l’accusé détenait tous les pouvoirs associés à la fonction de directeur du KP Dom et qu’il les a exercés dans les faits, notamment sa responsabilité de supervision vis-à-vis de tout le personnel subordonné et de tous les détenus du KP Dom.
S’agissant des allégations de persécutions, la cause de l’Accusation reposait essentiellement sur les mêmes actes et incidents que les autres accusations portées en l’espèce. C’est pourquoi nous laisserons pour la fin les remarques relatives aux accusations de persécutions.
Emprisonnement
Lorsque le conflit a éclaté au début de 1992, un grand nombre de civils non serbes, dont la majorité écrasante étaient des Musulmans, ont été arrêtés dans Foča et ses environs, et beaucoup des civils de sexe masculin ont été transférés au KP Dom. La Défense a soutenu qu’il s’agissait de prisonniers de guerre et que leur mise en détention était donc légale. La Chambre de première instance a rejeté cet argument. Un petit nombre de détenus avaient été des combattants, mais il ressort nettement des circonstances de leur arrestation qu’ils n’ont pas été faits prisonniers en cette qualité. Parmi les détenus, il y avait des jeunes et des vieillards, des malades, des blessés, des handicapés physiques et des personnes souffrant de troubles mentaux. Rien dans le dossier n’indique que quiconque a été appréhendé en application d’un mandat d’arrêt valide. Ces personnes ont été arbitrairement détenues pendant des périodes allant de quatre mois à deux ans et demi. Aucune n’a été inculpée d’une quelconque infraction, et il a été établi que leur détention était illégale.
Bien que l’accusé ait joué un rôle dans leur maintien en détention et que — comme l’a constaté la Chambre de première instance — il ne disposât pas du pouvoir d’ordonner unilatéralement la libération de quiconque, il savait néanmoins que leur détention était illégale, et que ses actes ou omissions contribuaient à la poursuite de cette détention illégale par les auteurs principaux de ce crime. Cependant, la Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable qu’il était animé de la même intention que ces auteurs principaux. Elle a donc rejeté la thèse de l’Accusation selon laquelle il adhérait à une entreprise criminelle commune visant à l’emprisonnement illégal des détenus, mais elle a constaté qu’il avait aidé et encouragé les auteurs principaux de ce crime à le commettre.
Actes inhumains (conditions de vie imposées aux détenus), en tant que crime contre l’humanité
Les civils non serbes détenus étaient littéralement entassés dans les cellules, au point qu’ils ne pouvaient pas s’y déplacer sans entrave voire, dans certains cas, y dormir allongés. Ils étaient isolés du monde extérieur et privés de tout contact avec leur famille. Ils vivaient dans des conditions d’hygiène déplorables. Ils étaient exposés à des températures glaciales en hiver et ne recevaient que des rations de famine, ce qui a occasionné des amaigrissements considérables, allant de vingt à quarante kilos. Beaucoup de détenus ont été privés de soins médicaux qui étaient pourtant disponibles, et les patients devant être pris en charge d’urgence n’ont pas été soignés correctement. Les détenus non serbes ont également été victimes d’un épuisant harcèlement psychologique pendant leur détention au KP Dom. Ils entendaient les cris de leurs compagnons de détention qui subissaient des sévices et des tortures, et craignaient d’être les prochaines victimes. Chaque fois que des prisonniers ont tenté d’améliorer leurs conditions de vie, ils ont été durement punis par des passages à tabac et par l’isolement cellulaire. Du fait de ces conditions, la santé physique et mentale de nombre des détenus non serbes s’est dégradée, parfois fatalement. Un détenu est effectivement décédé parce qu’il a été privé de soins médicaux, et dix-neuf autres ont gardé de graves séquelles physiques et psychologiques suite aux conditions de détention au KP Dom. La plupart ont souffert d’amaigrissement grave et beaucoup ont été hospitalisés après leur libération, certains ayant encore besoin constamment de soins médicaux et de médicaments. Presque tous continuent de souffrir d’une forme ou d’une autre de troubles psychologiques, notamment de crises d’anxiété, d’insomnies, de cauchemars, de dépression ou autre.
L’accusé avait connaissance des conditions de détention des prisonniers non serbes et de l’effet de celles-ci sur leur santé physique et mentale. Il savait également que son manquement à agir en tant que directeur contribuait considérablement au maintien de ces conditions, en encourageant les principaux responsables de ces conditions de vie. Cependant, la Chambre de première instance n’est pas convaincue au-delà de tout doute raisonnable qu’il partageait l’intention des auteurs principaux de ce crime. Elle a donc rejeté la thèse de l’Accusation selon laquelle il adhérait à une entreprise criminelle commune visant à imposer ces conditions de vie, mais elle a constaté qu’il avait aidé et encouragé les auteurs principaux du crime contre l’humanité consistant à imposer lesdites conditions.
Traitements cruels (conditions de vie imposées aux détenus), en tant que violation des lois et coutumes de la guerre
Toujours à raison de l’imposition de ces conditions de vie, la Chambre de première instance a également conclu à la culpabilité de l’accusé pour traitements cruels en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre, là encore pour avoir aidé et encouragé ceux qui ont personnellement participé à la création desdites conditions.
La Chambre de première instance s’est demandée si l’accusé devait dans le même temps être déclaré coupable des deux crimes naissant de l’imposition de ces conditions de vie, cette fois en sa qualité de supérieur hiérarchique. La Chambre est convaincue qu’il savait que ses subordonnés avaient participé à la création de ces conditions de vie, qu’il n’a rien fait pour les empêcher de les maintenir et qu’il ne les en a pas punis. Elle estime cependant qu’il serait malvenu, sous le même chef d’accusation, de déclarer l’accusé coupable des deux formes de responsabilité à raison des mêmes actes, et juge que son comportement criminel relève davantage de celui d’une personne qui a aidé et encouragé la commission d’un crime. La Chambre a cependant tenu compte de sa position de supérieur hiérarchique, en considérant qu’il s’agissait d’une circonstance aggravante.
Traitements cruels, actes inhumains et tortures (sévices)
Lors de leur détention au KP Dom, les civils non serbes étaient aussi systématiquement battus et maltraités par les gardiens de cette prison, ainsi que par les soldats et les membres de la police militaire qui y venaient. Si l’accusé n’était pas responsable des actes de ces derniers, il l’était en revanche de ceux des gardiens du KP Dom qui les laissaient pénétrer dans la prison pour y maltraiter les détenus. Plus de cinquante des passages à tabac constatés étaient suffisamment graves pour constituer des actes inhumains et des traitements cruels. Il y a eu également onze séances lors desquelles des tortures ont été infligées à quatorze prisonniers, dans le but de leur soutirer des informations ou des aveux, de les punir ou de leur faire subir une discrimination.
La Chambre de première instance est convaincue que l’accusé savait que des détenus non serbes subissaient des sévices et étaient en général maltraités. Elle estime cependant que la preuve n’a pas été rapportée de ce qu’il adhérait à une entreprise criminelle commune visant à faire subir des sévices aux détenus non serbes. Cependant, parce qu’il était au courant des sévices et qu’il n’a pris aucune des mesures qu’il était tenu de prendre en sa qualité de directeur de la prison, l’accusé a encouragé ses subordonnés à commettre ces actes. La Chambre de première instance considère que dans ce cas précis, il est plus judicieux de le déclarer coupable des sévices en sa qualité de supérieur, que coupable d’avoir aidé et encouragé les auteurs principaux de ces crimes.
En revanche, et nonobstant le fait que l’accusé a été témoin du passage à tabac infligé à Ekrem Zeković pour le punir d’avoir tenté de s’évader du KP Dom (incident qui ne figurait pas au nombre des faits incriminés), la Chambre de première instance n’est pas convaincue que l’accusé savait que les autres sévices étaient infligés dans l’un des buts prévus dans les textes prohibant la torture, plutôt que de manière purement arbitraire. C’est pourquoi il a été déclaré non coupable de torture.
Meurtre
La Chambre de première instance est convaincue qu’aux mois de juin et juillet 1992, les gardes du KP Dom ont fait sortir des détenus le soir, et les ont conduits au bâtiment de l’administration pour les battre. Les sévices se poursuivaient tard dans la nuit, et les autres détenus du KP Dom ont clairement entendu les bruits des coups et les cris des victimes. Après, des coups de feu ont parfois été entendus. Les gardes du KP Dom ont été vus alors qu’ils prenaient part aux sévices, et du sang et des instruments ensanglantés ont été vus dans les pièces où avaient lieu les sévices. Malgré les efforts des familles, de la Commission d’État bosniaque pour la recherche des personnes disparues et du Comité international de la Croix-Rouge, on n’a jamais revu ces personnes après leur détention au KP Dom.
La Chambre de première instance a constaté que vingt-six personnes ont été tuées de cette manière au KP Dom. Bien qu’aucun cadavre de ces personnes n’ait été retrouvé, la Chambre de première instance est convaincue au-delà de tout doute raisonnable qu’elles sont décédées après avoir été battues à mort, abattues, ou des suites de blessures infligées lors des sévices corporels au KP Dom. Cependant, la Chambre n’est pas convaincue que l’accusé savait que ses subordonnés prenaient part au meurtre des détenus, ni qu’il aurait dû le savoir. Rien ne permettait donc de conclure que l’accusé était responsable de ces meurtres.
Réduction en esclavage
S’agissant des chefs d’esclavage et de réduction en esclavage fondés sur le fait que les détenus auraient été soumis à des travaux forcés, la Chambre de première instance a demandé à l’Accusation de montrer que les détenus n’étaient pas libres de choisir de travailler ou non pendant leur détention au KP Dom. Le travail forcé n’a pas été accepté, quand l’Accusation s’est uniquement fondée sur le fait qu’un détenu estimait, subjectivement, qu’il n’avait pas le choix, sans quelque base factuelle étayant ce sentiment, ou sur sur le fait que le détenu croyait que s’il travaillait, il aurait droit à de la nourriture supplémentaire, ou à être autorisé à sortir de sa pièce de détention pour quelque temps. La question est de savoir si le témoin concerné a perdu le choix de consentir ou non au travail qu’il faisait. La Chambre de première instance a conclu que cette accusation n’avait été établie qu’à l’égard de deux détenus. Ceux-ci ont été obligés de travailler au déminage, mais la responsabilité n’a pu en être imputée à l’accusé, parce qu’il n’a pas été démontré qu’il savait ou aurait dû savoir que ces détenus avaient été contraints d’effectuer ce travail. Pour ces raisons, la Chambre de première instance n’a pas eu à rechercher si ce travail forcé constituait une réduction en esclavage, au sens de l’exercice délibéré des pouvoirs conférés par le droit de propriété sur ces deux hommes.
Persécutions
On l’a vu, le dossier de l’Accusation relatif aux persécutions était en grande partie fondé sur les mêmes actes et événements que ceux qui fondaient d’autres accusations en l’espèce. À ce stade, par conséquent, il est nécessaire de ne se référer qu’au chef de persécutions en ce qu’il était fondé sur les accusations qui ont déjà été démontrées, et à une question supplémentaire, à savoir celle de persécutions à raison de la déportation et de l’expulsion alléguées des détenus non serbes du KP Dom.
La Chambre de première instance est convaincue que l’emprisonnement des détenus non serbes, ainsi que les conditions de vie au camp qu’ils ont subies (qui constituaient des actes inhumains et des traitements cruels), ont été organisés avec une intention discriminatoire à leur encontre pour des motifs religieux ou politiques. Par conséquent, la persécution à raisons de ces crimes a été considérée comme démontrée, et l’accusé a été jugé individuellement responsable en tant que complice des auteurs principaux qui ont commis les crimes sous-jacents. En vertu de son pouvoir d’appréciation, la Chambre de première instance n’a pas déclaré l’accusé coupable, également en tant que supérieur hiérarchique, des conditions de vie, constituant des actes inhumains et des traitements cruels, qui ont été commis de manière discriminatoire.
La Chambre de première instance est convaincue que deux détenus seulement ont subi des sévices corporels pour des motifs discriminatoires, qui constituent des persécutions. L’un des sévices corporels constituait un acte inhumain et un traitement cruel. L’autre constituait une torture, mais l’accusé n’a pas été déclaré coupable de torture. Sa responsabilité pour ces deux événements en tant qu’actes de persécution est donc, à chaque fois, une responsabilité en tant que supérieur hiérarchique, pour persécution à raison d’actes inhumains et de traitement cruel.
S’agissant de la question supplémentaire soulevée, à savoir la persécution du fait de la déportation et de l’expulsion de détenus non serbes du KP Dom, la Chambre de première instance n’est pas convaincue que les détenus qui avaient été transférés du KP Dom avaient traversé une frontière nationale ou, lorsqu’elle a considéré que tel était le cas, elle n’a pas été convaincue que la déportation avait été forcée. Par conséquent, les allégations de déportation et d’expulsion n’ayant pas été démontrées, elles ne pouvaient justifier une accusation de persécution.
Déclarations de culpabilité
Seront donc prononcées contre l’accusé les déclarations de culpabilité pour les crimes suivants :
i) persécution, un crime contre l’humanité, à raison —
a) d’emprisonnement et d’actes inhumains (à savoir les conditions de vie), dont il est individuellement responsable, et
b) de deux des sévices corporels, en tant que supérieur hiérarchique ;
ii) actes inhumains, un crime contre l’humanité, à raison des sévices corporels, en tant que supérieur hiérarchique ;
iii) traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre, à raison des sévices corporels, en tant que supérieur hiérarchique, et
iv) traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre, à raison des conditions de vie, dont il est individuellement responsable.
Dans ces déclarations de culpabilité de persécutions en vertu de la responsabilité individuelle sont comprises, sans faire l’objet d’une double déclaration de culpabilité, les constatations selon lesquelles l’accusé était individuellement responsable pour emprisonnement et actes inhumains en tant que crimes contre l’humanité.
Peine
La Chambre de première instance s’est conformée à toutes les exigences formelles prévues pour la détermination de la peine. Elles sont plus longuement examinées dans le jugement. Elle devait impérativement faire correspondre la peine aux circonstances personnelles de l’accusé et à la gravité des crimes dont il a été reconnu coupable. La Chambre de première instance a tenu compte de la vulnérabilité particulière des victimes directes, de la période au cours de laquelle les crimes ont perduré pendant que l’accusé était en fonction en tant que directeur du KP Dom, et de l’ampleur de la souffrance physique, psychologique et émotionnelle à long terme de ces victimes.
L’accusé n’a exprimé aucun regret pour le rôle qu’il a joué dans la commission de ces crimes, et n’a fait état que de regrets infimes pour le fait que ces crimes ont eu lieu. Dans cette affaire, l’accusé a choisi d’adopter la politique de l’autruche, et de méconnaître les responsabilités et les pouvoirs qui lui incombaient en qualité de directeur du KP Dom pour améliorer la situation des détenus non serbes. La peine en l’espèce vise à signaler clairement aux autres personnes, qui (comme l’accusé) cherchent à éviter les responsabilités du commandement dont est assortie la fonction qu’ils ont acceptée, qu’un tel manquement ne restera pas impuni.
Néanmoins, la Chambre de première instance a également pris en compte le fait que l’accusé, avant d’être nommé directeur du KP Dom, a travaillé comme professeur de mathématiques pour la plus grande partie de sa vie professionnelle. Il n’avait pas beaucoup d’expérience de la fonction qu’il a assumée, et peut-être ne convenait-il pas à celle-ci. De plus, à la différence d’autres personnes qui occupaient des fonctions similaires à celle de l’accusé, et qui ont été jugées par le Tribunal, l’accusé n’a participé aux crimes qu’en ce qu’il a aidé et encouragé les actes criminels d’autres personnes. Et encore, il n’a encouragé les personnes qui ont pris part à ces crimes, en grande partie, que par son inaction, par le fait qu’il n’a pas exercé ses pouvoirs en tant que directeur, alors même qu’il savait que les crimes étaient commis. Ont aussi été présentés des éléments tendant à démontrer que l’accusé a agi pour aider des détenus qui s’étaient adressés à lui pour des demandes particulières, et qu’il a tenté d’améliorer la condition de tous les détenus en obtenant davantage de nourriture pour le KP Dom.
Dispositif
L’accusé est donc déclaré coupable des crimes suivants :
Chef 1 — persécutions, un crime contre l’humanité (à raison d’emprisonnement, des conditions de vie et des sévices corporels), dont il est responsable individuellement et en tant que supérieur hiérarchique,
Chef 5 — actes inhumains, un crime contre l’humanité (à raison de sévices corporels), en tant que supérieur hiérarchique,
Chef 7 — traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre (à raison de sévices corporels), en tant que supérieur hiérarchique, et
Chef 15 — traitements cruels, une violation des lois ou coutumes de la guerre (à raison des conditions de vie), dont il est responsable individuellement.
L’accusé est acquitté des crimes visés aux chefs 2, 4, 8, 10, 11, 13, 16 et 18.
Milorad Krnojelac, vous êtes condamné à une peine unique d’emprisonnement de sept ans et demi. La durée de la période pendant laquelle vous avez été placé en détention provisoire, à savoir trois ans et neuf mois, et que vous passerez en détention en attendant que le Président choisisse l’État dans lequel vous exécuterez votre peine, est déduite de la durée totale de votre peine. Dans l’attente de cette décision, vous restez sous la garde du Tribunal.