Site Internet consacré à l’héritage du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

Depuis la fermeture du TPIY le 31 décembre 2017, le Mécanisme alimente ce site Internet dans le cadre de sa mission visant à préserver et promouvoir l’héritage des Tribunaux pénaux internationaux.

 Consultez le site Internet du Mécanisme.

Allocution de la Présidente Gabrielle McDonald devant le Conseil de sécurité

Communiqué de presse PRÉSIDENT

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 2 octobre 1998 
CC/PIU/349-f
 

Allocution de la Présidente Gabrielle McDonald devant le Conseil de sécurité

Le vendredi 2 octobre 1998, la Présidente Gabrielle Kirk McDonald a pris la parole devant le Conseil de sécurité.

Veuillez trouver ci-dessous l’intégralité de l’allocution de la Présidente.

****

Allocution devant le Conseil de sécurité de l’ONU
Gabrielle Kirk McDonald
Présidente

Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
 

Vendredi 2 octobre 1998

M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Conseil de sécurité,

Je vous remercie de m’avoir invitée à prendre la parole devant vous aujourd’hui et d’avoir bien voulu prendre le temps d’examiner cette question particulièrement urgente.

Dans la lettre que j’ai adressée au Conseil de sécurité le 9 septembre 1998, j’ai fait état du refus constant du Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro, RFY) de coopérer avec le Tribunal international. Plus précisément, j’ai souligné le fait que la RFY n’avait toujours pas arrêté et transféré trois accusés devant le Tribunal international et relaté en détail les différentes étapes de ce manque de coopération.

Je suis ici aujourd’hui pour demander instamment au Conseil de sécurité d’adopter des mesures efficaces pour que la RFY s’acquitte immédiatement des obligations que lui imposent le droit international et le Conseil de sécurité, en vertu de l’autorité conférée par le chapitre VII de la Charte des Nations Unies à ce dernier.

Les États ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires, dans le cadre de leur juridiction interne, pour mettre en application les dispositions de la résolution 827 du Conseil de sécurité portant création du TPIY, et du Statut du Tribunal. Les accords de Dayton exigent en outre que tous les États signataires coopérent avec le Tribunal. Toutefois, la RFY est le seul État signataire à ne pas avoir adopté de textes législatifs permettant de faciliter cette coopération. L’article 29 du Statut du TPIY dispose que les États répondent sans retard à toute ordonnance émanant d’une Chambre de première instance concernant l’arrestation ou la détention des personnes. Le rapport transmettant le Statut du Tribunal, présenté par le Secrétaire général au Conseil de sécurité, dispose que les ordonnances rendues par le TPIY ont le statut d’actions coercitives, aux termes du chapitre VII. La RFY a cependant refusé de déférer devant le Tribunal des accusés ressortissants de son territoire, au motif que sa Constitution interdisait l’ « extradition » de ses citoyens.

Il va de soi que tous les États ont le devoir d’exécuter les ordonnances du Tribunal, et que ce devoir ne fait l’objet d’aucun compromis ou exception. En outre, selon un principe reconnu en droit international, les États ne sauraient s’appuyer sur leur droit interne pour se soustraire à leurs obligations internationales. Le manquement de la RFY à ses obligations de coopération est par conséquent tout à fait infondé.

Dans sa résolution 827, le Conseil de sécurité notait les violations flagrantes et généralisées du droit humanitaire international sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Il a constaté que cette situation représentait une menace pour la paix et la sécurité internationales et décidé de mettre un terme à de tels crimes et de traduire en justice les responsables de ces crimes. Le Conseil de sécurité a conclu que la poursuite des responsables de ces violations graves du droit humanitaire international contribuerait à la restauration et au maintien de la paix. Vous avez donc, dans votre grande sagesse, pris une décision historique en créant le Tribunal international comme un moyen approprié pour y parvenir.

En tant que juridiction, le Tribunal a été conçu pour rendre la justice. Il ne peut toutefois pas agir efficacement si ses ordonnances ne sont pas respectées. En tant qu’organe subsidiaire du Conseil de sécurité, et depuis sa création, il se tourne vers le Conseil de sécurité pour obtenir le soutien nécessaire lui permettant de s’acquitter de son mandat. Je vous en supplie, je vous en conjure, aidez-nous à veiller à l’exécution des ordonnances rendues par le Tribunal.

Ma demande est simple. Le manquement de la RFY à ses obligations est manifeste et son obligation de coopérer ne saurait être remise en question.

Le Tribunal pénal international a mis en accusation ces trois personnes le 7 novembre 1995, pour le meurtre présumé de 260 hommes non armés après la chute de Vukovar en novembre 1991. Un mandat d’arrêt a été délivré et signifié au gouvernement de la RFY pour exécution, en raison de présomptions selon lesquelles les accusés résideraient sur son territoire. Nous pensons qu’ils s’y trouvent encore aujourd’hui, fait que la RFY n’a pas contesté. Le 3 avril 1996, une Chambre de première instance a jugé que « la non signification de l’acte d'accusation était due au refus de la RFY de coopérer avec le Tribunal ». Le Président du Tribunal en a donc rendu compte au Conseil de sécurité, le 24 avril 1996 et, le 8 mai 1996, le Président du Conseil de sécurité a rappelé à la RFY ces obligations, déplorant « que les mandats d’arrêt n’aient pas été exécutés » et demandant qu’ils le soient immédiatement. Le Conseil de sécurité est resté saisi de la question.

Le 19 décembre 1997, une Chambre de première instance a ordonné aux autorités de la RFY de signifier l’acte d’accusation aux trois accusés et, une fois de plus, la RFY n’a pas répondu à sa demande. Je tiens à souligner que le Président du Tribunal a déjà signalé, à une autre occasion, le manquement de la RFY à son obligation d’exécuter des mandats d’arrêt délivrés par le Tribunal. Le 11 juillet 1996, le Président a en effet informé le Conseil de sécurité que la RFY n’avait pas exécuté les mandats d’arrêt établis à l’encontre de Radovan Karadžić et de Ratko Mladić. En réponse, une déclaration présidentielle a été faite, le 8 août.

Ainsi, près de trois ans après leur mise en accusation et la délivrance des mandats d’arrêt, et près de sept ans après que les familles des victimes ont perdu leurs êtres chers, les trois accusés dont je parle aujourd’hui sont toujours en liberté. Et rien n’indique que la RFY prenne actuellement la moindre mesure à ce sujet.

Ce refus délibéré de coopérer entraîne de profondes répercussions pour la paix et la sécurité internationales.

Nul État ne devrait être autorisé à se comporter comme s’il était « au-dessus des lois ». Non seulement une telle transgression est illégale, mais surtout elle fait passer aux autres États le message qu’il est possible de faire fi des mesures adoptées par le Conseil de sécurité. Il est donc impératif que la RFY intègre le groupe des nations qui croient en la paix dans le monde et respecte l’autorité du Conseil de sécurité.

Aux termes de l’article 29 du Statut du Tribunal, les États doivent répondre à toute ordonnance émanant du Tribunal « sans retard ». La RFY ne coopère pas depuis près de trois ans. Il est inadmissible qu’un État soit autorisé à déroger à ses obligations au regard du droit international. Un tel comportement porte atteinte à la vision du Conseil de sécurité selon laquelle le Tribunal constituait bien la réponse appropriée pour punir les violations graves du droit international humanitaire sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.

Il arrive un moment où il n’est plus possible d’ignorer un tel mépris des lois. Ce moment est venu. La communauté mondiale, représentée par l’ONU, ne peut laisser ce territoire sombrer de nouveau dans la situation catastrophique que nous avons vu naître et s’aggraver au début des années 1990. Nous devons tirer des leçons du passé, pour ne pas que les mêmes évènements se reproduisent.

En cinq ans d’existence, le Tribunal  international a fait des progrès considérables dans l’administration de la justice pénale internationale. Cinq procès sont actuellement en cours, pour lesquels nous appliquons les critères les plus rigoureux de la justice internationale. Le Tribunal a enfin surmonté bon nombre des obstacles qui se présentaient à lui pendant ses premières années. Il est devenu efficace et fonctionne pleinement. Il continuera à s’acquitter du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité. Mais il faut résoudre une fois pour toutes  le problème de la menace que constitue la non coopération de la RFY. Les actes obstructionnistes de la RFY ne sauraient être tolérés davantage, car ils entachent l’institution que vous avez créée avec l’espoir que la paix, la sécurité et la réconciliation renaîtraient des cendres de la guerre en ex-Yougoslavie.

Je sais que le Conseil de sécurité soutien pleinement nos travaux. C’est pourquoi je vous demande instamment de ne laisser aucun État faire obstacle à l’accomplissement du mandat que vous nous avez confié en créant le Tribunal international.

Je vous remercie de m’avoir permis de prendre la parole devant vous aujourd’hui.

 

*****

 

*****
Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
Pour plus d'informations, veuillez contacter notre Bureau de presse à La Haye
Tél.: +31-70-512-8752; 512-5343; 512-5356 - Email:
press [at] icty.org ()Le TPIY sur Facebook, Twitter et Youtube