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Allocution de Serge Brammertz, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie, devant le Conseil de sécurité 12 décembre 2008

ALLOCUTION
PROCUREUR
(Destiné exclusivement a l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, le 12 décembre 2008
/MOW/1295f



Allocution de Serge Brammertz, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex Yougoslavie, devant le Conseil de sécurité
12 décembre 2008

Monsieur le Président, Excellences,

C’est pour moi un honneur de prendre la parole une fois de plus devant le Conseil de sécurité pour vous présenter le rapport du Bureau du Procureur concernant la mise en œuvre de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal international.
Je voudrais aujourd’hui faire le point sur l’activité du Bureau du Procureur dans les domaines suivants : les procès en cours, la coopération des États, les relations avec les parquets régionaux de l’ex-Yougoslavie et les questions organisationnelles.

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Monsieur le Président, Excellences,

Durant la période couverte par le présent rapport, le Bureau du Procureur s’est employé à faire avancer les sept procès actuellement en cours, en première instance comme en appel, où sont mis en cause 26 accusés. Deux autres accusés sont encore en fuite : Ratko Mladić et Goran Hadžić. Leur arrestation reste un objectif primordial. Pour que le Tribunal puisse mener à bien sa mission, ils doivent être arrêtés et traduits en justice le plus rapidement possible.

Les affaires dont le Tribunal est actuellement saisi sont vastes et complexes. Prouver des accusations de l’ampleur de celles dont connaît le Tribunal est une tâche considérable et reste, dans chaque cas, un défi majeur. Tous les accusés étaient des responsables politiques et militaires de haut rang lors du conflit en ex-Yougoslavie, et plusieurs affaires concernent six dirigeants politiques ou militaires, voire davantage. Dans l’une d’elles, le jugement a été mis en délibéré. Dans les deux autres, la présentation des moyens de l’Accusation est terminée et celle des moyens à décharge va bon train. Ces procès à accusés multiples peuvent être considérés comme de grandes réalisations pour le Tribunal et confirment que la jonction d’instances est l’un des piliers de la stratégie d’achèvement de ses travaux.

Le travail en appel se poursuit à un rythme soutenu. Dix affaires sont actuellement en appel, et le Bureau du Procureur s’attend à ce que le nombre d’appels augmente sensiblement au cours du deuxième semestre de 2009, après que les jugements dans les procès à accusés multiples auront été rendus. Il pourrait alors y avoir 23 affaires ou plus en appel.

Durant la période couverte par le présent rapport, le Bureau du Procureur a également travaillé sur de nombreuses et importantes affaires d’outrage mettant en cause des personnes qui auraient divulgué des informations sur des témoins protégés ou exercé des pressions sur eux.

Le Bureau du Procureur demeure résolument attaché à la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal. Dans toutes les affaires en cours, il a pris des mesures pour présenter ses moyens de manière plus efficace et rapide. Il a circonscrit les agissements incriminés, resserré les actes d’accusation et eu recours aux déclarations écrites pour réduire le nombre des dépositions orales. Il continue aussi à demander le constat judiciaire de faits admis dans d’autres affaires, ce qui a permis d’accomplir des progrès importants concernant la durée et l’avancement des procès.

Alors que les procès en première instance et en appel se poursuivent, je reste préoccupé par le problème des pressions exercées sur les témoins, en particulier l’intimidation, qui a des répercussions directes sur notre capacité de présenter nos moyens avec efficacité et rapidité. Dans certains cas, nous avons pu résoudre le problème en collaboration avec le Greffe et les Chambres. J’exhorte les États où résident des témoins à continuer d’aider le Tribunal international dans ce domaine. Il est important de créer un climat qui incite les témoins à déposer, en fournissant les garanties nécessaires à ceux qui acceptent de témoigner.
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Monsieur le Président, Excellences,

Pour mener à leur terme les procès en première instance et en appel, nous restons largement tributaires de la coopération des États de l’ex-Yougoslavie et du soutien de la communauté internationale. La coopération des États de l’ex-Yougoslavie reste essentielle dans plusieurs domaines, tels que la consultation des archives, la communication de documents, l’accès aux témoins et leur protection, ainsi que la recherche, l’arrestation et le transfert des accusés encore en fuite.

Les autorités de Bosnie-Herzégovine ont continué d’ouvrir leurs archives nationales et de communiquer les documents demandés. Le Bureau du Procureur espère que les difficultés politiques et institutionnelles que connaît actuellement la Bosnie-Herzégovine n’auront pas de répercussions négatives sur la coopération qu’elle apporte actuellement et qui est satisfaisante. Nous continuons d’encourager les autorités bosniaques à redoubler d’efforts pour rechercher et poursuivre ceux qui aident les accusés en fuite à se soustraire à la justice.

La Croatie a donné suite à la majorité des demandes d’assistance que lui a adressées le Bureau du Procureur. Néanmoins, nous cherchons encore à obtenir l’autorisation de consulter certains documents-clés et archives essentiels dans le cadre de l’affaire Gotovina. Ces documents sont au cœur de nos discussions avec les autorités croates depuis un an et demi. Après avoir vainement tenté, à plusieurs reprises, d’en obtenir la communication, le Bureau du Procureur a demandé à la Chambre de première instance d’ordonner à la Croatie de faire état des mesures prises pour retrouver ces documents. En réponse à l’ordonnance de la Chambre, la Croatie a remis un rapport accompagné de pièces justificatives. Depuis mon rapport écrit, elle a communiqué des documents supplémentaires, déférant ainsi en partie à l’ordonnance. Cependant, à ce jour, des documents militaires essentiels restent à produire et nous pensons que des mesures complémentaires s’imposent. La Chambre de première instance est toujours saisie de la question. Le procès étant en cours, il est impératif que les documents demandés soient communiqués sans délai.

Depuis mon dernier rapport devant le Conseil de sécurité, la coopération apportée par la Serbie au Bureau du Procureur s’est considérablement améliorée. L’évolution de la situation politique générale a conduit les autorités à prendre des mesures plus résolues et novatrices sur les plans politique, judiciaire et opérationnel.

La Serbie a fourni une assistance accrue durant la période couverte par le présent rapport dans les domaines de l’accès aux archives et de la communication des documents. Elle a donné suite promptement à la plupart des demandes d’assistance et apporté une aide appréciable dans la communication des documents importants pour les procès. À ce chapitre, le Conseil national pour la coopération avec le Tribunal a joué un rôle capital. Des progrès majeurs ont également été réalisés grâce à la participation récente des autorités serbes à des réunions de travail avec les membres du Bureau du Procureur, ce qui a facilité le repérage des documents en cause dans leurs archives. Nous devons poursuivre dans cette voie pour retracer certains documents importants qui manquent encore à l’appel et qui sont essentiels pour les procès. Le Bureau du Procureur cherche aussi à obtenir certains documents militaires essentiels à l’affaire concernant Momčilo Perišić. La Chambre de première instance a, en l’occurrence, ordonné à la Serbie de rechercher les documents manquants et de lui faire part des résultats de son enquête. Depuis mon rapport écrit, nous avons reçu une réponse de la Serbie, que nous sommes en train d’examiner et qui exigera peut-être de nouvelles mesures de suivi.

L’arrestation des accusés encore en fuite reste le volet le plus délicat de la coopération. L’appréhension de Stojan Župljanin et de Radovan Karadžić par les autorités serbes constitue une avancée majeure dans l’assistance apportée par la Serbie au Bureau du Procureur. Ces arrestations ont pu avoir lieu grâce aux progrès réalisés dans la prise de décisions et dans la coordination des actions menées par les autorités politiques et judiciaires d’une part et les services de sécurité de l’autre.

Les services chargés de rechercher les fugitifs ont intensifié leurs efforts pour localiser et appréhender les deux accusés encore en fuite, Ratko Mladić et Goran Hadžić. La planification et la coordination des actions des différents services de sécurité se sont améliorées et les autorités ont multiplié et généralisé les actions destinées à permettre l’arrestation des fugitifs. Mais la tâche des autorités est d’autant plus compliquée qu’il faut remédier aux carences de l’ancienne direction des services de sécurité civils, qui n’a pas cherché, entre autres, à analyser et à exploiter les renseignements obtenus sur ces deux fugitifs.

Lors de ma visite à Belgrade en novembre dernier, les autorités ont présenté leur plan d’action visant à localiser et arrêter les deux derniers fugitifs. Si ces plans sont mis en œuvre, si les capacités d’analyse des services de renseignement sont renforcées et si l’appui politique nécessaire est apporté, d’autres progrès devraient être réalisés.
J’engage également les États et les organisations internationales et régionales à continuer d’apporter leur soutien aux pays de l’ex-Yougoslavie en coopérant avec le Bureau du Procureur.

Monsieur le Président, Excellences,

La transmission des dossiers d’enquête aux juridictions nationales compétentes et les efforts déployés pour renforcer leurs capacités sont un élément essentiel de la stratégie d’achèvement des travaux du Tribunal.

Le renvoi d’affaires et la transmission des dossiers d’enquête aux États de l’ex Yougoslavie sont bien avancés. Sur les 10 affaires concernant 13 accusés qui ont été renvoyées aux juridictions nationales, toutes sauf une ont été déjà jugées en première instance. À l’heure actuelle, toutes les affaires pouvant être renvoyées dans le cadre de l’article 11 bis du Règlement l’ont été et aucune autre affaire portée devant le Tribunal ne remplit les conditions de renvoi. En ce qui concerne les dossiers d’enquête ou affaires dites de catégorie II, le Bureau du Procureur a transmis les dossiers concernant 15 suspects et sept municipalités. En 2009, le Bureau du Procureur compte transmettre au parquet de Bosnie Herzégovine les derniers dossiers d’enquête constitués sur quelque 20 suspects.

Durant la période considérée, le Bureau du Procureur s’est employé à donner suite aux nombreuses demandes d’assistance que lui ont adressées les juridictions des pays de l’ex Yougoslavie. Depuis le dernier rapport, le Bureau du Procureur a répondu à 57 demandes d’assistance émanant des autorités nationales.

Le Bureau du Procureur continue d’apporter son soutien aux efforts déployés pour renforcer les capacités des juridictions des pays de l’ex-Yougoslavie et leur permettre de juger les crimes de guerre à l’échelle nationale. L’appui de la communauté internationale restera capital pour les tribunaux nationaux en ex-Yougoslavie au cours des mois et des années à venir. C’est pourquoi le Bureau du Procureur salue les efforts accomplis aux niveaux national et international pour renforcer la section spécialisée dans les crimes de guerre du parquet de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine. Sans ce soutien, les procès, y compris ceux renvoyés par le Tribunal, pourraient être compromis.

Nous appuyons résolument les efforts destinés à améliorer la coopération judiciaire à l’échelon régional. Compte tenu de l’impossibilité pour les États de l’ex Yougoslavie d’extrader leurs ressortissants et des obstacles juridiques empêchant le renvoi d’affaires de crimes de guerre d’un État à l’autre, nombre de suspects de rang intermédiaire ou subalterne, responsables de crimes de guerre commis au début des années 90 en ex-Yougoslavie, risquent d’échapper à la justice. Pour ne pas ouvrir la porte à l’impunité, il est urgent que ces questions soient réglées par l’ensemble des autorités concernées.

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Monsieur le Président, Excellences,

Malgré les efforts déployés pour accélérer les procès en première instance et en appel, des retards sont inévitables dans les procès en cours et ceux qui doivent encore s’ouvrir. Ces retards sont dus principalement à l’arrestation récente de Radovan Karadžić et de Stojan Župljanin, et à un certain nombre d’impondérables dans les affaires en cours comme l’état de santé des accusés, le remplacement des conseils de la Défense et le choix de certains accusés d’assurer eux-mêmes leur défense, d’où le ralentissement des débats. En conséquence, le Bureau du Procureur prévoit qu’il devra disposer de tout son personnel en 2009, faute de quoi il sera extrêmement difficile pour le Tribunal de terminer les procès en première instance et en appel. Une proposition de budget révisé a donc été soumise qui tient compte de la charge de travail prévue pour ces procès en 2009. Le Bureau du Procureur demande que la réduction des effectifs travaillant à ces procès ne soit amorcée que fin 2009 ou début 2010.

Le Tribunal dépend de son personnel dévoué pour terminer ses travaux. J’exhorte donc de nouveau le Conseil de sécurité et les autres organes des Nations Unies à appuyer les mesures garantissant le maintien en fonction du personnel désigné jusqu’à l’achèvement des procès auxquels ils travaillent.
 
Le Bureau du Procureur continuera, en collaboration avec le Président et le Greffier, de prendre part aux discussions avec le Conseil de sécurité concernant la mise en place d’une structure internationale résiduelle.

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Monsieur le Président, Excellences,
 
Je remercie le Conseil de sécurité pour tout le soutien qu’il apporte au Tribunal international et sans lequel les progrès réalisés n’auraient pas été possibles.

À l’heure où le Tribunal termine ses travaux, votre appui reste crucial pour assurer l’arrestation des deux derniers fugitifs, Ratko Mladić et Goran Hadžić, et pour mener à bien notre mission.

Je vous remercie de votre attention.



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International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia

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