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Arrêt de la chambre d’appel dans l’affaire le procureur contre Dragan Nikolic

Communiqué de presse
CHAMBRE D’APPEL
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 4 fèvrier 2005
 CT/S.I.P./934f


Arrêt de la chambre d’appel dans l’affaire le procureur contre Dragan Nikolic
Dragan Nikolic : une nouvelle peine de six ans de prison est imposée

 

Veuillez trouver ci-dessous le résumé de l’arrêt rendu par la Chambre d’appel, composée des Juges Meron (Président), Pocar, Shahabuddeen, Güney and Weinberg de Roca, tel que lu à l’audience de ce jour par le Juge Président :

Merci. Je voudrais maintenant vous expliquer comment nous allons procéder. Comme l’a annoncé le greffier, l’affaire inscrite au rôle est l’affaire Dragan Nikolić. Comme indiqué dans l’ordonnance portant calendrier du 1er février 2005, l’audience de ce jour consacrée au prononcé de l’arrêt se tient, en application de l’article 15 bis A) du Règlement de procédure et de preuve, en l’absence d’un des juges de la Chambre, le Juge Fausto Pocar, qui est occupé par d’autres affaires au Tribunal.

Le 4 septembre 2003, lors de l’audience consacrée au plaidoyer de culpabilité, Monsieur Nikolić a plaidé coupable de chefs d’accusation portant sur les événements du camp de Susica, prčs de Vlasenica, à l’Est de la Bosnie-Herzégovine. Sur la base d’un accord sur le plaidoyer présenté conjointement par les parties, la Chambre de première instance a déclaré Monsieur Nikolić coupable du seul chef 1 de l’acte d’accusation, persécutions, un crime contre l’humanité. Cette déclaration de culpabilité incluait le chef 2, assassinat, un crime contre l’humanité, le chef 3, viol, un crime contre l’humanité, et le chef 4, torture, un crime contre l’humanité. L’accord sur le plaidoyer conclu par les parties recommandait une peine de 15 ans d’emprisonnement. La Chambre a condamné Monsieur Nikolić ŕ 23 années de réclusion. Monsieur Nikolić a interjeté appel et la présente Chambre d’appel a tenu une audience consacrée à l’appel de Monsieur Nikolić le 29 novembre 2004.

Conformément à la pratique du Tribunal, je ne donnerai pas lecture du texte de l’Arrêt, à l’exception de son dispositif. Je vais rappeler les questions soulevées dans le cadre de la procédure d’appel ainsi que le raisonnement et les conclusions de la Chambre d’appel. Je tiens à souligner que ce qui suit n’est qu’un résumé et ne fait pas partie de l’Arrêt. Seul fait autorité l’exposé des conclusions et motifs de la Chambre d’appel que l’on trouve dans le texte écrit de l’arrêt, dont des copies seront mises à la disposition des parties et du public à l’issue de l’audience.

Les dispositions pertinentes en matière de peine sont les articles 23 et 24 du Statut et les articles 100 à 106 du Règlement de procédure et de preuve. L’article 24 du Statut et l’article 101 du Règlement définissent les principes généraux relatifs à la détermination de la peine, qui font obligation aux Chambres de première instance de prendre en compte les éléments suivants: la gravité de l’infraction et la situation personnelle du condamné, la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie et les circonstances aggravantes ou atténuantes. À l’instar des appels interjetés contre un jugement rendu par une Chambre de première instance, les recours formés contre la peine auprès de la Chambre d’appel ne donnent pas lieu à un procès de novo. Le rôle de la Chambre d’appel se limite à corriger les erreurs de droit qui invalident une décision et les erreurs de fait qui ont entraîné une erreur judiciaire.

Les Chambres de première instance disposent d’un pouvoir d’appréciation très large pour décider de la peine qui convient en raison de l’obligation qui est la leur de tenir compte de la situation personnelle de l’accusé et de la gravité de l’infraction. De manière générale, la Chambre d’appel ne révise pas une peine, à moins que la Chambre de première instance n’ait commis une « erreur manifeste » dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

En l’espèce, l’appelant soulève sept moyens d’appel que la Chambre d’appel va passer brièvement en revue.

Dans le premier moyen d’appel, l’appelant fait essentiellement valoir que la peine prononcée par la Chambre de première instance est excessive par rapport à d’autres peines prononcées par le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie et par le Tribunal international pour le Rwanda. Il ressort clairement de la jurisprudence du Tribunal que, si une Chambre peut s’inspirer des peines prononcées par les deux tribunaux internationaux, des peines différentes peuvent se justifier quand les différences sont plus importantes que les similitudes ou quand les circonstances atténuantes ou aggravantes diffèrent. De plus, même dans les affaires où les infractions sont identiques et ont été commises dans des circonstances très semblables, les Chambres de première instance ont l’obligation primordiale de fixer la peine eu égard à la situation individuelle de l’accusé. En conséquence toute comparaison est non seulement limitée mais ne constitue en outre pas forcément le moyen qui convient pour contester une conclusion tirée par une Chambre de première instance dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en fixant la peine.

En l’espèce, l’appelant se contente d’avancer que sa peine ne résulte pas de l’application d’un mode de fixation de la peine clair et sans équivoque ; il ne présente pas de comparaison convaincante de son cas avec d’autres affaires impliquant la même infraction et des circonstances équivalentes. En tout état de cause, la Chambre d’appel constate que la Chambre de première instance a bel et bien tenu compte des peines prononcées précédemment et conclut que les arguments de l’appelant ne démontrent pas que la Chambre de première instance a commis une erreur manifeste dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de peine, en appréciant mal les circonstances particulières de l’espèce.

Dans son deuxième moyen d’appel, l’appelant avance que la Chambre de première instance a commis une erreur dans l’appréciation des circonstances aggravantes. Il soulève trois arguments relatifs aux conclusions de la Chambre de première instance.

Le premier argument a trait au plaisir que prenait l’appelant à se livrer à ses activités criminelles ; la Chambre d’appel conclut que, contrairement à ce que soutient l’appelant, la Chambre de première instance disposait d’éléments de preuve montrant clairement qu’il prenait du plaisir à exercer son pouvoir sur les détenus au travers d’agissements pervers. Le témoignage de SU-032 déclarant que l’appelant « avait plaisir à frapper » est suffisant pour qualifier ce comportement de circonstance particulièrement aggravante. La Chambre d’appel conclut que la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur manifeste en concluant qu’il « prenait apparemment plaisir à commettre ces crimes ».

En deuxième lieu, s’agissant de la conclusion de la Chambre de première instance selon laquelle, vu leur gravité et leur caractère particulièrement barbare, les sévices dont fait état l’acte d’accusation sous la qualification de torture constituent « le degré le plus grave de la torture, c’est-à-dire qu’ils réunissent tous les éléments essentiels d’une tentative de meurtre de facto », la Chambre d’appel conclut que l’appelant n’a pas démontré que la Chambre de première instance avait assimilé ces tortures à une tentative de meurtre. En conséquence la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur de droit et souhaitait simplement rendre compte de la gravité des sévices.

Je passe maintenant à l’erreur de fait alléguée par l’appelant au sujet de la conclusion susmentionnée de la Chambre de première instance et qui, selon lui, n’est étayée par aucun élément de preuve. La Chambre d’appel estime que, si la Chambre de première instance a eu tort de dire à propos des sévices sous-tendant les tortures qu’ils réunissaient « tous les éléments essentiels d’une tentative de meurtre de facto », il était en revanche raisonnable qu’elle conclue, sur la base des éléments de preuve dont elle disposait, que la gravité et le caractère particulièrement barbare de ces sévices constituaient « le degré le plus grave de la torture » et par la même une circonstance aggravante. Ayant jugé que la Chambre de première instance avait conclu à juste titre que la gravité des sévices devait être prise en compte en tant que circonstance aggravante dans l’appréciation des actes de torture commis par l’appelant, la Chambre d’appel estime que la suppression de l’appréciation erronée portée par la Chambre de première instance sur les sévices qui, selon elle, réunissaient « tous les éléments essentiels d’une tentative de meurtre de facto » ne diminue globalement en rien le poids des circonstances aggravantes.

Dans un troisième temps, l’appelant argue que la référence de la Chambre de première instance à « toutes les circonstances aggravantes retenues » implique que pour la Chambre les parties avaient convenu de ce qui devait être considéré comme circonstances aggravantes pouvant ajouter à la gravité des infractions ; la Chambre d’appel conclut à ce sujet que les circonstances aggravantes retenues par la Chambre de première instance sont celles que cette dernière a admises après avoir considéré toutes les circonstances de l’espèce. Le deuxième moyen d’appel est par conséquent rejeté.

Dans son troisième moyen d’appel, l’appelant affirme que la Chambre de première instance a commis une erreur en concluant que la dissuasion spéciale n’était pas à prendre en compte et en n’accordant pas suffisamment de poids à son plaidoyer de culpabilité ou à l’expression des ses remords, en tant que circonstances atténuantes.

La Chambre d’appel fait observer que la Chambre de première instance a bien estimé que la dissuasion spéciale était un principe fondamental à prendre en compte dans la sentence. S’agissant du plaidoyer de culpabilité, l’appelant fait valoir que la Chambre de première instance n’a pas tenu compte du fait que son plaidoyer de culpabilité permettait d’éviter un long procès, épargnait aux témoins l’épreuve de la déposition et encourageait d’autres à se livrer. En l’espèce, la Chambre de première instance a dûment pris cet élément en considération. La Chambre d’appel souligne que l’économie d’un long procès est certes un élément dont il faut tenir compte dans la sentence, mais qu’il ne faut pas lui accorder trop d’importance.

En réponse à l’argument de l’appelant selon lequel la Chambre de première instance n’a pas tenu compte du fait que son plaidoyer de culpabilité avait épargné à de nombreux témoins l’épreuve de la déposition, la Chambre d’appel constate qu’il oublie que la Chambre de première instance a conclu qu’en plaidant coupable avant l’ouverture du procès, il avait « dispensé les victimes de rouvrir de vieilles blessures ». Son argument est donc dénué de tout fondement.

J’en viens maintenant à l’argument de l’appelant selon lequel la Chambre de première instance s’est fourvoyée en reconnaissant qu’il avait « exprimé l’espoir [d’encourager] les trois parties au conflit à assumer leur part de responsabilité pour ces crimes abominables ». La Chambre d’appel conclut à cet égard que la Chambre de première instance n’était nullement tenue de s’étendre davantage sur ces incitations à plaider coupable à l’avenir et n’a pas commis d’erreur d’appréciation en fixant la peine.

Je passe maintenant à l’argument de l’appelant selon lequel la Chambre de première instance a commis une erreur puisque, tout en reconnaissant l’importance particulière du remords en tant que circonstance atténuante, elle n’a tenu compte de cet élément « que pour la forme tout au plus ». La Chambre d’appel fait observer au contraire que la Chambre de première instance a jugé cet élément « particulièrement important » et a en réalité clairement considéré les remords exprimés par l’appelant comme l’une des circonstances atténuantes justifiant une réduction de peine importante. L’argument de l’appelant à ce sujet est donc sans fondement.

L’appelant fait ensuite valoir que la Chambre de première instance aurait dû faire appel aux parties pour juger de l’étendue de sa coopération et non s’en remettre à l’appréciation de l’Accusation. La Chambre d’appel ne voit pas en quoi la Chambre de première instance a failli à l’obligation que lui impose l’article 101 B) ii) du Règlement de retenir comme circonstance atténuante sa coopération avec l’Accusation. Quant à l’argument de l’appelant selon lequel la Chambre de première instance n’a pas accordé suffisamment de poids à sa coopération, la Chambre d’appel n’a constaté aucune erreur dans l’évaluation faite par la Chambre de première instance de l’importance à accorder à cette circonstance atténuante. Le troisième moyen d’appel est rejeté.

Dans son quatrième moyen d’appel, l’appelant soutient que la Chambre de première instance a commis deux erreurs, l’une, en ne tenant pas dûment compte de la grille des peines appliquée en ex-Yougoslavie, l’autre, en prenant en considération la grille des peines appliquée par d’autres pays que l’ex-Yougoslavie.

S’agissant de la première erreur alléguée, la Chambre d’appel rappelle que, bien que les Chambres de première instance aient recours à la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie conformément à l’article 24 1) du Statut, elles ne sont pas liées par celle-ci. La question qui se pose à la Chambre d’appel est de savoir si la Chambre de première instance, lorsqu’elle a pris en compte la grille des peines appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie pour fixer la peine en l’espèce, a outrepassé son pouvoir d’appréciation en ignorant les plafonds fixés par cette grille sans s’en expliquer. En l’occurrence, la Chambre d’appel estime que la Chambre de première instance a satisfait à l’obligation qui lui est faite de prendre en considération la grille des peines appliquée en ex-Yougoslavie, compte tenu des circonstances particulières de l’espèce. En outre, la Chambre d’appel considère qu’il n’y a pas lieu de déterminer si la Chambre de première instance a outrepassé ou non son pouvoir d’appréciation en fixant la peine, étant donné que la peine de 23 années d’emprisonnement qu’elle a prononcée se situe bel et bien dans la fourchette prévue en ex-Yougoslavie à l’époque des faits.

S’agissant de la deuxième erreur alléguée, la Chambre d’appel observe que la Chambre de première instance a recouru à la grille des peines appliquée dans des pays autres que l’ex-Yougoslavie, cherchant ainsi des « éléments d’orientation fondés sur une étude comparative dans ce domaine ». Il ressort clairement du Jugement portant condamnation que la Chambre de première instance a examiné ces différentes grilles en plus de celle appliquée en ex-Yougoslavie. La Chambre de première instance savait qu’elle n’était pas tenue d’appliquer la peine d’emprisonnement maximale prévue par les systèmes de droit internes et n’a commis aucune erreur d’appréciation en fixant la peine.

Dans son cinquième moyen d’appel, l’appelant soutient que la Chambre de première instance a conclu à tort que le principe de la lex mitior ne s’appliquait que lorsque le crime avait été commis et la peine infligée dans le cadre d’un même système de droit, et que ce principe ne s’appliquait pas au Tribunal international dans la mesure où il s’inscrit dans un autre système de droit que celui où le crime a été commis. Il semble que le principe de la lex mitior signifie que si la loi applicable à l’infraction commise par l’accusé a été révisée, c’est la loi la plus douce qui s’applique. Les accusés ne peuvent bénéficier d’une peine plus légère que si la règle de droit a force obligatoire puisqu’ils n’ont un intérêt juridique protégé que si la fourchette de peines leur est applicable. Dès lors, le principe de la lex mitior n’est applicable que si la règle de droit qui lie le Tribunal international est remplacée ultérieurement par une autre plus favorable. En somme, le principe de la lex mitior, s’il est correctement interprété, s’applique au Statut du Tribunal international. En conséquence, si les pouvoirs conférés par le Statut en matière de peine venaient à être modifiés, le Tribunal international serait alors tenu d’appliquer la peine la moins sévère. La Chambre d’appel note cependant qu’aucune modification n’a été apportée aux règles gouvernant la fixation des peines par le Tribunal international. En ce qui concerne l’article 24 1) du Statut, qui dispose que « la Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie », il doit être interprété selon les mêmes principes que le reste du Statut, dont il fait partie intégrante. Ainsi interprété, cet article renvoie à l’ensemble des lois applicables en ex-Yougoslavie à l’époque des faits, à l’exclusion des changements intervenus ultérieurement. Ce moyen d’appel est donc rejeté.

Dans son sixième moyen d’appel, l’appelant soutient que la Chambre de première instance n’a pas tenu suffisamment compte des recommandations des parties, lesquelles proposaient une peine de quinze années d’emprisonnement. Il allègue à cet égard deux erreurs : premièrement, la Chambre de première instance n’aurait pas expliqué comme il convenait pourquoi la peine recommandée par les parties n’était pas suffisante, et deuxièmement, elle n’aurait pas tenu compte du temps qu’il passerait effectivement en détention.

S’agissant de savoir si la Chambre de première instance n’a pas expliqué comme il convenait pourquoi la peine recommandée par les parties n’était pas suffisante, la Chambre d’appel rappelle qu’en exerçant son pouvoir d’appréciation pour fixer la peine, la Chambre de première instance doit prendre en compte les éléments suivants : la gravité du crime, la situation personnelle de la personne déclarée coupable, la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie et toute circonstance aggravante ou atténuante. La Chambre d’appel estime que, dans le cadre d’un accord sur le plaidoyer, un élément supplémentaire doit être pris en compte. Un accord sur le plaidoyer revêt une importance considérable puisque, par là même, l’accusé reconnaît sa culpabilité. De plus, la recommandation d’une fourchette de peines ou, comme c’est le cas en l’espèce, d’une peine déterminée, reflète l’accord des parties sur ce qui, selon elles, constituerait une peine juste. La Chambre d’appel note que l’article 62 ter, paragraphe B), du Règlement dispose expressément que la Chambre de première instance n’est pas tenue par l’accord conclu entre les parties. Toutefois, dans le cadre d’un jugement portant condamnation rendu à la suite d’un accord sur le plaidoyer, la Chambre d’appel souligne que la Chambre de première instance doit dûment tenir compte des recommandations des parties et, si elle s’en écarte nettement, elle doit s’en expliquer. En l’espèce, la Chambre d’appel considère que la Chambre de première instance a dûment exposé ses motifs au paragraphe 281 du Jugement portant condamnation et qu’elle n’a pas outrepassé son pouvoir d’appréciation en s’écartant des recommandations faites par les parties. Le moyen d’appel est donc rejeté sur ce point.

Pour ce qui est de savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur lorsqu’elle a tenu compte du temps que l’appelant passerait en détention, la Chambre d’appel observe que, même si une Chambre de première instance peut déterminer ce qui constitue, selon elle, la durée minimale qu’un accusé devrait passer en prison et si elle peut également prendre en compte la possibilité d’une libération anticipée lorsqu’elle fixe la peine qui convient, une Chambre de première instance doit néanmoins toujours considérer que la libération anticipée n’est qu’une possibilité pour le condamné. La question qui se pose à la Chambre d’appel dans le cadre de ce moyen est de savoir si la Chambre de première instance a commis une erreur en accordant une trop grande importance à la possibilité d’une libération anticipée. La Chambre d’appel observe que lorsqu’elle a fixé la peine à 23 années d’emprisonnement, la Chambre de première instance s’est livrée clairement – même si elle ne l’a pas dit expressément – à un calcul afin de tenir compte du fait que le Tribunal international accorde ordinairement aux condamnés le bénéfice d’une libération anticipée lorsqu’ils ont purgé les deux tiers de leur peine ; la peine de 15 ans que l’appelant doit, selon la Chambre de première instance, purger avant d’être libéré, correspond manifestement aux deux tiers de la peine qu’elle a effectivement fixée. La Chambre d’appel considère que la Chambre de première instance a implicitement prévu la possibilité d’une libération anticipée et qu’elle en a tenu compte dans son calcul. Ce faisant, elle a accordé trop d’importance à cette possibilité. En conséquence, la Chambre d’appel estime, le Juge Shahabuddeen étant en désaccord, qu’une réduction de la peine s’impose.

Dans son septième moyen d’appel, l’appelant fait valoir que la Chambre de première instance a commis une erreur en tenant compte de faits qui n’entraient pas dans le cadre de l’acte d’accusation ou de l’accord sur le plaidoyer. La Chambre d’appel estime que l’appelant savait qu’à la fin de l’audience consacrée à la peine, il pouvait se plaindre de ce que la Chambre de première instance tenait compte d’éléments de preuve qui dépassaient, selon lui, le cadre de l’acte d’accusation. Lors de sa plaidoirie, le conseil de l’appelant n’a soulevé aucune objection sur ce point et a, de ce fait, renoncé au droit de le faire en appel. Ce moyen d’appel est donc rejeté.

Je vais maintenant donner lecture du dispositif de l’arrêt.

Monsieur Nikolić, veuillez vous lever.

Par ces motifs, la Chambre d’appel, en application de l’article 25 du Statut et des articles 117 et 118 du Règlement, vu les écritures respectives des parties et leurs exposés à l’audience du 29 novembre 2004, siégeant en audience publique,

ACCUEILLE, le Juge Shahabuddeen étant en désaccord, le moyen d’appel soulevé par l’appelant selon lequel la Chambre de première instance a commis une erreur en prenant en compte la durée effective de sa détention,

REJETTE pour le surplus l’appel et, le Juge Shahabuddeen étant en désaccord, FIXE une nouvelle peine,

CONDAMNE, le Juge Shahabuddeen étant en désaccord, l’appelant à une peine de 20 années d’emprisonnement à compter de ce jour, la durée de la période passée en détention préventive, soit du 20 avril 2000 à ce jour, étant à déduire de la durée totale de la peine, en application de l’article 101 C) du Règlement,

ORDONNE, en application des articles 103 C) et 107 du Règlement, que l’appelant reste sous la garde du Tribunal international jusqu’à ce que soient arrêtées les dispositions nécessaires pour son transfert vers l’État dans lequel il purgera sa peine.

Madame la Greffière/Monsieur le Greffier, veuillez, je vous prie, distribuer des copies de l’arrêt aux parties.

Monsieur Nikolić, veuillez vous asseoir. L’audience est levée.

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Arrêt relatif à la sentence


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