Le 1er décembre 2017, le TPIY a chargé un groupe d’experts de mener une enquête indépendante sur les circonstances du décès de Slobodan Praljak, sous la direction de Hassan B. Jallow, Président de la Cour suprême de Gambie et ancien Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux.
Les conclusions de cette enquête, qui s’est clôturée le 29 décembre 2017, ont été communiquées au Greffier, qui les a transmises aux départements concernés des Nations Unies. Venant compléter l’enquête menée actuellement par les autorités néerlandaises, qui vise à mettre au jour toute activité criminelle, l’enquête administrative dirigée par Hassan B. Jallow est axée sur l’efficacité du cadre juridique et administratif du TPIY et vise à déterminer dans quelle mesure les procédures applicables ont été respectées.
Les conclusions de l’enquête de Hassan B. Jallow sont les suivantes :
« L’enquête que j’ai menée n’a révélé aucune lacune ni irrégularité dans le cadre juridique du TPIY relatif au traitement des détenus au quartier pénitentiaire [des Nations Unies] et dans les locaux du TPIY ; je ne propose donc aucune modification des règles et règlements du TPIY.
En outre, l’enquête a montré que les fonctionnaires du quartier pénitentiaire, les agents de sécurité et les autres fonctionnaires du TPIY avaient respecté le cadre juridique s’agissant du traitement de Slobodan Praljak.
Comme il est exposé dans mes conclusions, sans renseignement particulier (il n’y en avait aucun) et en respectant les limites définies par les Règles Nelson Mandela, aucune mesure n’aurait pu permettre de détecter le poison à quelque stade que ce soit.
Toutefois, l’enquête a mis en lumière certaines mesures qui pourraient être prises pour augmenter les chances de détection à l’avenir. »
Sur ce point, Hassan B. Jallow a fait des recommandations sur le régime des fouilles, notamment des visiteurs et des cellules des détenus, ainsi que sur des formations destinées au personnel chargé de la sécurité qui seront partagées avec d’autres instances judiciaires concernées. De plus, il a recommandé que la diffusion du prononcé des jugements et arrêts soit dorénavant différée de 30 minutes. Se félicitant des mesures prises jusqu’à maintenant, il a également recommandé de continuer de fournir, en tant que de besoin, une assistance médicale et psychologique aux détenus et aux fonctionnaires du quartier pénitentiaire présents lors des événements du 29 novembre. Enfin, Hassan B. Jallow a salué le personnel du Service médical et du Service de la sécurité du TPIY pour leur intervention d’urgence.
S’agissant du poison que Slobodan Praljak avait en sa possession, Hassan B. Jallow a fait savoir ce qui suit :
« Après analyse, il a été établi que la substance prise par Slobodan Praljak était du cyanure de potassium. Il n’est pas possible de se procurer cette substance de manière légale au sein de la prison ou de le fabriquer illégalement à partir d’articles disponibles dans la prison. Le cyanure de potassium peut être transporté sous forme de poudre ou dissout dans l’eau. La quantité de cyanure nécessaire pour obtenir une dose mortelle est de 200 à 300 mg (ce qui équivaut à la taille d’un seul comprimé). »
S’agissant de la question de savoir comment Slobodan Praljak s’est procuré cette substance, Hassan B. Jallow a ajouté ce qui suit :
« Il n’est pas possible de dire avec certitude quand et comment Slobodan Praljak s’est procuré le poison. L’enquête criminelle actuellement menée par les autorités néerlandaises permettra peut-être de répondre à cette question. D’emblée, il convient de préciser que les fonctionnaires du quartier pénitentiaire ou du TPIY ne disposaient d’aucuns renseignements permettant de penser que Slobodan Praljak était en possession de poison. Si pareils renseignements avaient été disponibles, des mesures plus intrusives (dans le cadre de la fouille des cellules et de Slobodan Praljak) auraient pu être prises. Toutefois, compte de sa nature et de sa quantité, le poison aurait été difficile à détecter, même avec les fouilles les plus intrusives pratiquées sur les personnes, dans les cellules et ailleurs. La petitesse de l’objet, les restrictions imposées par les règles relatives aux fouilles intrusives, et les équipements de contrôle utilisés au quartier pénitentiaire et dans les locaux du TPIY sont autant de facteurs qui ont concouru à rendre l’objet illicite difficilement détectable. »
Dans le cadre de l’examen des règles internationales et de celles propres au TPIY relatives à la gestion des détenus, y compris les fouilles, Hassan B. Jallow a rappelé en particulier l’Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus, aussi appelé « Règles Nelson Mandela », adopté à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations Unies. Ces règles énoncent les normes impératives en matière de traitement des détenus et, selon les termes employés par Hassan B. Jallow, « doivent toujours primer lorsqu’il s’agit de gérer des lieux de détention ». Parmi ces principes fondamentaux, les Règles Nelson Mandela disposent que « [t]ous les détenus sont traités avec le respect dû à la dignité et à la valeur inhérentes à la personne humaine ». S’agissant des fouilles des personnes et des cellules, les règles 50 à 52 des Règles Nelson Mandela prévoient notamment ce qui suit :
Les fouilles doivent être menées dans le respect de la dignité humaine et de l’intimité de la personne fouillée, ainsi que des principes de la proportionnalité, de la légalité et de la nécessité.
Les fouilles ne doivent pas être un moyen de harceler ou d’intimider un détenu, ou de porter inutilement atteinte à sa vie privée.
Les fouilles personnelles, y compris les fouilles intégrales et les investigations corporelles internes, ne doivent être effectuées que si elles sont absolument nécessaires. Les administrations pénitentiaires doivent être encouragées à trouver des solutions de remplacement aux fouilles personnelles et à y recourir.
Dans le cadre de cette enquête, Hassan B. Jallow a bénéficié de l’assistance d’experts indépendants possédant une vaste expérience, sur le plan national et international, des questions liées à la détention et des procédures et lignes de conduite relatives à la sécurité.
Lors de l’enquête, il a été procédé à l’inventaire et à l’analyse des règles internationales applicables et des règles propres au TPIY relatives à la détention ainsi que des procédures de sécurité internes concernant le transport des détenus et leur attente dans les locaux du TPIY. En outre, 23 fonctionnaires du TPIY et du Mécanisme, dont des fonctionnaires du quartier pénitentiaire et des agents de sécurité, ont été interrogés pour établir les faits qui se sont produits le 29 novembre 2017. Les enregistrements vidéo provenant du quartier pénitentiaire et des locaux du TPIY, notamment des salles d’audience, ont été analysés, et des documents concernant Slobodan Praljak et des événements connexes ont été passés en revue. Une visite a également été effectuée au quartier pénitentiaire et sur certains lieux dans les locaux du TPIY, dont la salle d’audience 1 et les cellules d’attente. Hassan B. Jallow a également reçu des informations sur l’avancement de l’enquête criminelle menée par les autorités néerlandaises, et il a rencontré des représentants de l’ambassade de Croatie à La Haye. Dans le cadre de l’enquête, il a également été fait référence à des informations confidentielles s’agissant notamment de questions médicales, d’activités liées à la sécurité interne et à la détention pouvant être partagées par d’autres instances judiciaires, et de documents fournis à titre confidentiel ou étant en cours d’examen dans le cadre de l’enquête menée par les autorités néerlandaises.
Les conclusions de l’enquête ont été transmises aux départements concernés des Nations Unies comme il convient.
Le TPIY exprime sa profonde reconnaissance à Hassan B. Jallow, à son équipe d’experts et à toutes les personnes qui ont coopéré dans le cadre de cette procédure en faisant preuve du plus grand professionnalisme. Grâce à leur engagement, l’enquête a pu être menée rapidement et avec minutie.
Le 29 novembre 2017, Slobodan Praljak s’est suicidé en salle d’audience 1 du TPIY. Pendant l’audience publique consacrée au prononcé de l’arrêt, la Chambre d’appel a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine de 20 ans d’emprisonnement prononcées contre Slodoban PraIjak. Juste après, celui-ci, qui se trouvait donc dans le prétoire, a avalé un liquide et a été presque aussitôt victime d’un malaise. Le personnel médical et de la sécurité du TPIY lui ont immédiatement porté secours et, dans le même temps, une ambulance a été appelée. Slobodan Praljak a été transporté vers l’hôpital HMC de La Haye pour y recevoir d’autres soins. Peu après son arrivée, Slobodan Praljak est décédé. Conformément aux procédures applicables, les autorités néerlandaises ont, à la demande du TPIY, ouvert une enquête indépendante, qui est actuellement en cours.