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Déclaration de Theodor Meron, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à l’occasion de l’inauguration de la Chambre spéciale chargée de juger les crimes de guerre au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine

PRESIDENT
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, le 9 mars 2005
TM/MOW/945f

Déclaration de Theodor Meron, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, à l’occasion de l’inauguration de la Chambre spéciale chargée de juger les crimes de guerre au sein de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine

Sarajevo, Bosnie-Herzégovine
Le 9 mars 2005

Excellences, Mesdames et Messieurs,

Laissez-moi tout d’abord vous dire à quel point je suis honoré de prendre la parole en cette remarquable occasion.

Nous célébrons aujourd’hui un accomplissement majeur tant pour les habitants de Bosnie‑Herzégovine que pour la communauté internationale dans son ensemble. La création de la Chambre des crimes de guerre est un évènement clé pour renforcer l’état de droit en Bosnie-Herzégovine. La Chambre a été établie en dépit d’obstacles considérables et en un temps record.

La création de la Chambre des crimes de guerre démontre une nouvelle fois que la communauté internationale est déterminée à ce que justice soit rendue en Bosnie‑Herzégovine. Elle reflète aussi l’idée que la justice et la responsabilité sont des éléments essentiels à la réconciliation et à la reconstruction post-conflit.

En effet, depuis le début de sa participation, la communauté internationale a cherché à renforcer les capacités des institution judiciaires de Bosnie-Herzégovine pour leur permettre de jouer un rôle essentiel dans la poursuite efficace et équitable des auteurs de crimes de guerre, conformément aux critères internationalement reconnus en matière de garanties de procédure et d’état de droit.

Nous savons depuis le début qu’il est essentiel de mener à bien les procès contre les auteurs de crimes de guerre en Bosnie-Herzégovine afin de montrer que la justice est rendue, d’encourager la réconciliation entre les communautés de Bosnie-Herzégovine et de permettre aux familles des victimes de la guerre de tourner la page. J’ai toujours eu le sentiment que les procès pour crimes de guerre menés près des lieux du crime et des familles des victimes avaient une incidence considérable sur la réconciliation et la dissuasion.

Un travail extraordinaire a été accompli ces deux dernières années pour nous approcher de notre objectif. En 2003, un plan de gestion détaillé a été élaboré, en étroite collaboration avec les instances judiciaires et gouvernementales de Bosnie‑Herzégovine, le Bureau du Haut Représentant et le TPIY. Cette année, le Conseil de sécurité de l’ONU a approuvé sans réserve la création de la Chambre comme condition préalable essentielle à la stratégie d’achèvement des travaux du TPIY.

En décembre 2004, la Bosnie-Herzégovine a adopté une législation portant officiellement création de la Chambre des crimes de guerre, récompensant ainsi les efforts considérables déployés par les nombreuses personnes et institutions qui ont œuvré ensemble pour que ce jour devienne réalité. Permettez-moi de saluer tout particulièrement Lord Paddy Ashdown et son adjoint, Bernard Fassier.

Nous sommes, au TPIY, fiers du rôle que nous jouons dans le renforcement de l’état de droit dans la région. Nous nous sommes pleinement engagés en faveur de la création de la Chambre des crimes de guerre et, de manière plus générale, du renforcement des juridictions nationales chargées de poursuivre les crimes de guerre conformément aux normes internationales. Le Tribunal continuera à travailler en étroite collaboration avec la Chambre des crimes de guerre, en mettant en place divers programmes de formation, en lui transférant des documents et en lui communiquant son savoir-faire.

Le Tribunal a constitué une jurisprudence impressionnante et inédite en droit international humanitaire substantiel et en droit pénal, et, fait tout aussi important, en matière de procédure pénale et d’administration de la preuve. Nos décisions, qui font jurisprudence, joueront un rôle déterminant dans les poursuites équitables et efficaces que la Chambre des crimes de guerre engagera contre les suspects. Dans notre Tribunal, une formation de renvoi examine en ce moment des requêtes déposées par le Procureur aux fins de renvoi d’affaires conformément à la procédure pénale applicable. Le Tribunal a adopté des articles garantissant que les transferts dépendront non seulement du niveau de responsabilité des accusés, mais également de tout l’éventail des garanties de procédure dans les instances judiciaires concernées. Les procès doivent être équitables et rapides. Notre règlement dispose qu’il est possible de révoquer des ordonnances de renvoi d’affaires. Nous devons veiller à ce qu’entre nous et les juridictions de l’ex-Yougoslavie, aucun des principaux auteurs de crime de guerre ne bénéficie d’un quelconque espace d’impunité, que ce soit maintenant ou lorsque notre travail au Tribunal touchera à sa fin. Permettez-moi de le répéter haut et fort : le Tribunal ne fermera pas ses portes avant d’avoir jugé Karadžić, Mladić et Gotovina.

Le renforcement de l’état de droit est un élément essentiel de la réconciliation et de la reconstruction sur le plan national. La Chambre des crimes de guerre contribue considérablement au renforcement de l’état de droit dans les juridictions nationales de Bosnie-Herzégovine. Il est important que la Chambre des crimes de guerre ait pour mission de remplacer le réflexe de l’impunité par une idéologie de la légalité, en renforçant l’état de droit grâce à l’application de normes juridiques solides.

Au cours de cette dernière décennie, nous avons vu émerger des institutions démocratiques et nous avons assisté au retour de la paix dans le pays. Les institutions en place n’ont toutefois pas encore été pleinement en mesure de poursuivre les criminels de guerre en Bosnie-Herzégovine de façon équitable et efficace et dans le respect des garanties de procédures internationalement reconnues. En créant la Chambre des crimes de guerre, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et la communauté internationale s’engagent à traduire en justice des personnes soupçonnées d’avoir infligé de terribles atrocités à leurs semblables. C’est pourquoi nous célébrons aujourd’hui une avancée capitale vers le triomphe de l’état de droit sur l’impunité et l’affirmation des principes fondamentaux des droits de l’homme et des garanties de procédure.

Je tiens à profiter de cette célébration remarquable pour souligner deux points supplémentaires qui seront essentiels pour que la Chambre des crimes de guerre mène à bien sa mission.

Tout d’abord, la Chambre des crimes de guerre doit avoir le soutien politique permanent des autorités et des habitants de Bosnie-Herzégovine pour engager des poursuites efficaces et équitables. Il sera essentiel que les administrations municipales, cantonales et nationales coopèrent avec la Chambre, en particulier en mettant les éléments de preuve dont elle a besoin à sa disposition.

Ensuite, nous devons bénéficier du soutien politique et financier constant de la communauté internationale.

Pour conclure, je suis honoré et extrêmement heureux de me joindre à vous en cette journée prometteuse pour assister à l’inauguration de la Chambre des crimes de guerre, qui est inédite en son genre. Elle jouera un rôle essentiel pour prouver l’engagement sans faille du Gouvernement de Bosnie-Herzégovine et de la communauté internationale envers la justice pour les victimes des crimes de guerre. La Chambre des crimes de guerre contribuera au renforcement de l’état de droit dans le pays en veillant à ce que les habitants de Bosnie-Herzégovine aient eux-mêmes les moyens et la responsabilité de poursuivre les crimes de guerre commis sur leur propre territoire.