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Déclaration du Juge Claude Jorda, Président du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie.

Communiqué de presse PRESIDENT

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

The Hague, 27 janvier 2000
CC/P.I.S./466-F
 

Déclaration du Juge Claude Jorda, Président du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie.

Comme vous le savez j’ai été élu Président le 16 novembre dernier (…) ce délai d’un peu plus de 2 mois m’a permis, comme je le souhaitais, de me concentrer sur l’état actuel du fonctionnement de notre Tribunal et de discerner si le constat que j’en avais dressé pour mes pairs au moment de solliciter leur confiance, en vue d’accéder à mes présentes fonctions, pouvait se confirmer ou pas.

Vous le savez, je suis au Tribunal pratiquement depuis la naissance de cette Institution. J’ai donc eu l’occasion au cours des dernières années, de me faire une idée à titre de Juge, sur ce qui va bien au Tribunal et sur ce qui va moins bien. Je tenais donc avant de m’adresser à vous, tout d’abord à confirmer ce diagnostic mais aussi à identifier les solutions possibles à certaines difficultés appréhendées. (…)

D’emblée, je ferai une première constatation. Le Tribunal est à un tournant de son histoire. Certes, le Tribunal va bien. Il a d’ailleurs acquis au cours des dernières années, non seulement une grande notoriété mais également une crédibilité certaine. Se profilent toutefois à l’horizon, certaines questions auxquelles nous devrons répondre si nous voulons permettre au Tribunal de continuer à accomplir sa mission historique.

Deuxième constatation, le Tribunal fonctionne dans un contexte unique. Sur plus de quatre-vingt dix accusés, (mais soixante-six restant en état d’accusation) trente sont toujours en fuite, ce qui est anormal pour tout système criminel. Il faut donc insister pour que tous les accusés soient arrêtés et surtout les principaux responsables des atrocités commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie. Bien entendu la politique pénale est la prérogative du Procureur. A cet égard toutefois, et c’est en tant que Président du Tribunal que je le dis, je soutiens totalement Madame le Procureur Del Ponte, et je compte bien, dans la limite de mes pouvoirs, et dans le strict respect de nos fonctions et de notre indépendance respectives, l’aider à tout faire pour que les plus hauts responsables soient arrêtés puis jugés au cours de procès justes et équitables.

Dès lors il convient de se poser la question : Si tous les accusés sont arrêtés demain, quand, voire comment pourrons-nous les juger en conformité avec les principes de justice reconnus par le monde civilisé, au terme d’un procès équitable et rapide ?

La durée de la détention préventive constitue une question de plus en plus préoccupante. En dépit du caractère des atrocités commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, la Justice Pénale Internationale peut difficilement s’éloigner des critères reconnus universellement en la matière. Dans un même temps, on ne peut exiger l’arrestation de tous les accusés pour éventuellement les remettre en liberté sans avoir subi de procès.

Si nous avons au premier chef une obligation à l’égard des accusés, nous en avons également à l’égard de la Communauté Internationale. A cet égard, il faut s’interroger sur la productivité et le rendement du Tribunal. La Justice Internationale coûte très cher. Quel délai le Tribunal s’assigne-t-il pour achever sa mission ? Il s’agit là d’une question qui me préoccupe en tant que Président mais qui concerne également le Procureur à l’origine des poursuites.

Je n’ai certes pas la prétention d’avoir la réponse à toutes ces questions. Toutefois, vous le savez probablement, un groupe d’experts mandaté par les Nations Unies a récemment analysé tout le fonctionnement du Tribunal. Le rapport final de ce groupe d ‘experts a été rendu public mardi dernier. Lors de mon élection, je me suis engagé à exploiter ce rapport au maximum. Mais ce rapport concerne toutes les instances du Tribunal. Son exploitation - que j’ai confiée à un groupe pluridisciplinaire – sera donc commune : Juges, Procureur, Greffier, Défense. Toutefois, en concertation avec les autres Juges, j’ai déjà identifié certaines pistes que j’aimerais partager avec vous ce matin.

Ces pistes s’articulent suivant deux axes distincts: d’abord au plan de la procédure et de l’organisation judiciaire, ensuite au plan de l’augmentation des moyens.

S’agissant de la procédure, il nous faut chercher par tous les moyens des gains de temps à l’audience, gains qui auront des répercussions sur l’ensemble des préoccupations évoquées. L’atteinte de cet objectif nécessite l’exploitation maximum de nos règles de preuves et de procédure et plus particulièrement, une préparation préalable au procès à la fois rapide et rigoureuse et ce dès l’arrivée d’un prévenu au Tribunal. Une telle mise en état des affaires permettra en outre l’imposition d’un calendrier liant les parties. Il va sans dire que ce calendrier devra être établi dans le respect des droits de l’accusé. Toutes les forces juridiques entourant les Juges devront, et je les encouragerai à le faire, s’impliquer complètement dans la gestion des affaires.

S’agissant de l’organisation judiciaire, donc de la gestion des affaires, cela implique une meilleure utilisation de toutes les ressources à notre disposition, y compris les ressources humaines.

A titre d’exemple, nous avons trois salles d’audience et nous devons les utiliser au maximum. Cela ne saurait être possible toutefois, sans tenir compte, au besoin en le rationalisant, de l’emploi du temps des Juges. Bien entendu, les Juges siègent à l’audience mais ils doivent aussi délibérer, faire de la recherche, et rédiger leurs jugements. Il faut donc trouver le moyen de concilier l’utilisation optimale des salles d’audience avec les obligations des Juges, de façon à éliminer tous les temps morts, pour ainsi permettre à ces derniers de rendre des jugements peu de temps après la fin d’un procès.

Mon objectif est d’en arriver à ce que les trois Chambres de première instance traitent chacune de deux affaires simultanément au cours de la présente année.

Je le reconnais, c’est un programme ambitieux, ce qui m’amène à parler de l’augmentation des moyens ainsi que de mon voyage à New-York au cours duquel comme l’ont fait mes prédécesseurs j’insisterai sur la pleine coopération des Etats, que ce soit en matière d’arrestation ou de production de preuves.

L’augmentation des moyens implique d’abord un meilleur soutien judiciaire aux Juges. A cet égard, nous avons déjà obtenu des postes additionnels de juristes qui viendront se joindre à chacune des Chambres de première instance de même qu’à la Chambre d’appel au cours de l’année à venir. Toutefois, l’augmentation des moyens impliquera également la possibilité d’obtenir des Juges additionnels. Sous quelle forme ? Je crois qu’il est prématuré de répondre à ces questions avant d’avoir démontré que toutes nos ressources sont utilisées au maximum.

Vous l’aurez compris, toutes les énergies doivent être mobilisées pour rendre la Justice que l’on attend de nous. Le format du Tribunal a été prévu il y a près de sept ans. Beaucoup de choses se sont passées depuis qui rendent nécessaire et urgente une réévaluation générale de la situation.

Bien sûr, il ya plusieurs autres sujet dont j’aurais aimé vous parler aujourd’hui (…) toutefois, j’ai préféré vous faire part, ce jour des perspectives immédiates de ce Tribunal ad hoc qui non seulement doit répondre aux espoirs qui ont été placés en lui pour contribuer au rétablissement complet de la paix en Ex-Yougoslavie, mais qui surtout doit constituer un précédent exemplaire pour la future Cour pénale internationale »

 

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