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La Présidente du TPIY, Gabrielle Kirk Mc Donald, s’adresse au Conseil de mise en œuvre des accords de paix de Dayton

Communiqué de presse  PRÉSIDENT

(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)

La Haye, 9 décembre 1997
CC/PIO/272f
La Présidente du TPIY, Gabrielle Kirk Mc Donald, s’adresse au
Conseil de mise en œuvre des accords de paix de Dayton

 

« L’application du droit ne doit pas être entravée par des intérêts personnels...
L’impunité ne peut être tolérée...S’il n’est pas permis au Tribunal de fonctionner avec efficacité,
il n’aura pas échoué de lui-même, il aura été conduit à l’échec ».

La Présidente du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Juge Gabrielle Kirk McDonald, a pris la parole aujourd’hui à la réunion plénière du Conseil de mise en œuvre des Accord de Dayton, qui se tenait à Bonn, en Allemagne. Le Conseil est chargé de surveiller la mise en œuvre des accords de paix de Dayton/Paris, conclus en 1995 au sujet de la Bosnie-Herzégovine.

La Présidente a prononcé la déclaration « abrégée » suivante, que nous publions dans son intégralité. La version longue de sa déclaration, qui a été distribuée aux délégués, est disponible sur demande auprès du Bureau de presse et d’information. Elle est également disponible sur la page d’accueil du site Internet du Tribunal (http://www.un.org/icty).

La déclaration de la Présidente :

« Je suis honorée d’avoir été invitée à participer à cette assemblée plénière, et de pouvoir y prendre la parole. Au moment de sa création, le Tribunal n’existait que dans la conscience de la communauté internationale. Il est aujourd’hui complètement opérationnel : il existe physiquement et dispose d’un code de procédure pénale international et d’une jurisprudence. Nous avons créé à La Haye une institution pénale novatrice et efficace.

Nombre des difficultés qui existaient il y a quatre ans et demi n’ont pourtant pas été surmontées. Le Conseil et ses membres en ont souvent reconnu l’existence et les menaces qu’elles représentent, tant pour le Tribunal que pour la restauration de la paix. Il est véritablement scandaleux que ceux qui sont accusés d’atrocités inimaginables continuent à se soustraire à l’état de droit. Mais si nous continuons à nous concentrer uniquement sur les problèmes et non sur la mise au point de solutions, le Tribunal ne pourra pas remplir sa mission. J’aimerais donc suggérer de concentrer nos efforts sur les moyens qui existent déjà pour obtenir la coopération des États, plutôt que sur le fait que certains États ou entités ne s’acquittent pas de leurs obligations.

Le Tribunal est le fil d’or qui parcourt le tissu du processus de paix. Il vise à garantir le respect des principes d’égalité entre les vies humaines, l’université de la justice et une application cohérente du droit. Le TPIY favorise la responsibilisation, caractéristique fondamentale d’une société mûre et fonctionnant bien. C’est de cette façon que le Tribunal, qui repose sur l’impératif moral de redresser des torts, contribue à guérir les blessures des communautés divisées et à dissuader l’infliction d’autres souffrances.

La base sur laquelle reposent ces principes, à savoir le droit, ne doit pas être entravée par des intérêts personnels. L’impunité ne peut être tolérée pour le génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre. Le succès du Tribunal dépend de l’importance que les États, qui agissent individuellement et collectivement dans le cadre de rencontres comme celle-ci, accordent à ce principe moral.

Le Tribunal n’existe pas dans le néant : ce Conseil a une mission et une responsabilité particulières, au nom de la communauté internationale, s’agissant de la restauration de la paix en ex-Yougoslavie. Nous vous demandons de nous donner le soutien nécessaire pour que nous puissions y contribuer dans le cadre de notre mission.

En vertu de la Résolution 827 du Conseil de sécurité et aux termes de notre Statut, les États sont tenus de coopérer avec le Tribunal et pourront accepter de recevoir dans leurs prisons des accusés reconnus coupables par le TPIY. Notre programme de protection des témoins, qui n’en est qu’à ses débuts, constitue une nouvelle occasion pour les États de contribuer de façon pratique au bon fonctionnement du Tribunal. Toutefois, de nombreux États ont été longs à s’acquitter de cette obligation ou à reconnaître cette possibilité d’apporter leur aide. Je fais donc appel à vous, qui représentez la communauté internationale, et sollicite votre aide. Je vous sollicite à titre individuel, en tant qu’États, et vous prie d’accélérer la mise en oeuvre de la législation et la conclusion d’accords sur l’exécution des peines et la protection des témoins. Je fais également appel à vous à titre collectif, en vous demandant d’exhorter les autres membres de la communauté internationale à apporter leur contribution.

Outre l’aspect pratique, il serait gravement erroné de considérer qu’arrêter les personnes déjà mises en cause et les juger pour les crimes dont elles sont accusées suffiraient à lever le sombre voile de l’impunité. Il est cependant impératif que tous les accusés soient arrêtés et traduits en justice. Mais le grand principe du droit veut également que tous les accusés soient considérés innocents jusqu’à ce que les allégations formulées à leur encontre aient été prouvées au-delà du doute raisonnable. En tant que juges, nous nous devons de ne pas diaboliser les accusés.

Il en va aussi de notre capacité à atteindre notre objectif.S’il n’est pas permis au Tribunal de fonctionner avec efficacité, il n’aura pas échoué de lui-même, il aura été conduit à l’échec.La communauté internationale et, de ce fait, ce Conseil, auront délaissé l’État de droit. Le Tribunal ne sera pas le seul à en pâtir. Si, comme il a été dit, notre Tribunal est un laboratoire pour la Cour pénale permanente, cette dernière sera rendue inefficace avant même sa création.

Il est donc encourageant de noter que depuis la dernière réunion plénière du Conseil, les efforts ont été dirigés sur la recherche de solutions, plutôt que sur la constatation des problèmes. Le fait de chercher à identifier ces solutions a donné des résultats. Cependant, je vous demande instamment de prendre davantage de mesures que celles, relativement timides, qui ont été prises jusqu’à présent, sous peine de voir cette entreprise échouer. Si ceux qui en ont le pouvoir ne prennent pas les mesures qui s’imposent pour en finir avec le cancer de la criminalité, qui souille le tissu de la paix, ce dernier se défera dans les années qui viennent. Les efforts gigantesques qui auront été réalisés pour reconstruire la région auront été vains et le processus de réconciliation sera interrompu.

Ne pas traduire devant le tribunal de l’humanité les auteurs des atteintes les plus abjectes à la dignité du genre humain serait faire insulte à la justice. Afin que cela n’arrive pas, les parties de l’Accord-cadre général ont pour responsabilité fondamentale de s’acquitter de leur obligation juridique de coopérer pleinement avec le Tribunal. La communauté internationale ne peut continuer à être prise en otage par le refus des États de coopérer. En tant qu’États et organisations investis dans la restauration de la paix, il vous faut à présent faire un choix : surmonter les obstacles restants, ou sacrifier l’essence même de la civilisation. Si vous choisissez la dernière option, l’humanité portera à jamais le fardeau de l’immobilisme. »

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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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