Serge Brammertz, le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (le « TPIY » ou le « Tribunal ») et du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux, a pris la parole aujourd’hui à la conférence-débat organisée, sous le titre « Le Tribunal et après : rendre la justice pour les atrocités commises dans les Balkans occidentaux », par la Commission sur la sécurité et la coopération en Europe (la « Commission Helsinki ») et la Commission Tom Lantos des droits de l’homme. Le but de la conférence-débat était de se pencher sur les travaux du Tribunal — avancées et limites — et sur ce qui doit encore être entrepris par les pays de la région pour rendre la justice dans les affaires en souffrance, permettre aux victimes de tourner la page et faciliter une meilleure réconciliation des peuples. Les autres intervenants étaient Nemanja Stjepanović, membre du conseil d’administration du Fonds pour le droit humanitaire de Belgrade, et Diane Orentlicher, professeur de droit à la faculté de droit de l’Université américaine (Washington). Les débats ont été ouverts par Randy Hultgren, membre de la Chambre des représentants des États-Unis, co-président de la Commission Tom Lantos des droits de l’homme et membre de la Commission Helsinki, et modérés par Robert Hand, conseiller politique de la Commission Helsinki. Eliot Engel, membre de la Chambre des représentants et de la Commission Tom Lantos des droits de l’homme, qui était également présent, a fait une communication au cours de la conférence.
Le Procureur a déclaré que le TPIY avait, « dans une large mesure, […] atteint le but qu’il s’était fixé », avant d’ajouter : « En conformité avec les principes universellement reconnus du droit, nous avons enquêté sur les crimes, en toute indépendance et impartialité, et poursuivi de hauts responsables de toutes les parties aux conflits, qui ont dû répondre individuellement de leurs crimes, commis d’abord contre les victimes mais en fait contre l’humanité tout entière. »
À propos du rôle crucial qu’a joué la communauté internationale — les États‑Unis et l’Union européenne en particulier — dans la création du Tribunal et le soutien à ses activités par des politiques de conditionnalité, Serge Brammertz a dit : « L’enseignement est clair : s’il y a une véritable volonté politique en faveur de la justice, et si la communauté internationale parle d’une seule voix, ceux qui portent la responsabilité la plus lourde pour les atrocités criminelles sont amenés à répondre de leurs actes. »
Parlant de l’héritage du TPIY et de son importance pour les initiatives futures en faveur de la justice, le Procureur s’est dit convaincu que le TPIY continuerait d’être « un symbole de justice pour d’autres victimes et d’autres survivants ». Il a ajouté que le TPIY avait grandement développé le droit et la pratique nécessaires pour que les criminels de guerre soient traduits en justice, soulignant le travail accompli par son Bureau pour documenter les enseignements qu’on peut tirer des poursuites menées, dans plus de 50 affaires, pour viol, esclavage sexuel, torture et autres crimes de violence sexuelle.
Se penchant sur le soutien apporté par son Bureau aux institutions judiciaires nationales des pays issus de la Yougoslavie, le Procureur a fait observer que « si les tribunaux internationaux concentrent leurs efforts sur les personnes portant la responsabilité la plus lourde pour les crimes commis, il faudra que des juridictions nationales se chargent de traduire en justice les autres auteurs, afin d’éviter que subsistent d’importantes poches d’impunité », avant d’ajouter : « À l’avenir, la collaboration et une coopération intense entre l’international et le national devraient être la règle, et non l’exception. »
Enfin, le Procureur a dit que la fin du mandat du Tribunal n’était pas la fin de la justice pour les crimes de guerre, mais le début d’un nouveau chapitre, l’établissement des responsabilités pour les crimes commis dépendant désormais entièrement des institutions judiciaires des pays issus de la Yougoslavie. Il a souligné que ces institutions nationales auront besoin d’un fort soutien car « l’établissement des responsabilités pour atrocités criminelles devant les juridictions internes de [ces] pays se heurte à de nombreuses difficultés, le négatif prenant souvent le pas sur le positif ». Faisant observer que le processus de réconciliation n’a pas encore abouti, ce qui demeure un problème majeur, le Procureur a conclu que l’héritage du TPIY ne se mesurera pas seulement au travail accompli et que « le TPIY aura réussi si les pays issus de la Yougoslavie se montrent capables d’instaurer l’état de droit et d’assurer une justice digne de ce nom aux victimes, et s’ils ont le courage d’accepter les faits et de s’avancer sur la voie d’une réconciliation véritable ».