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Résumé du Jugement dans l'affaire le Procureur c/ Beqa Beqaj

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 5 mai 2005
CT /P.I.S./968f


Résumé du Jugement dans l'affaire le Procureur c/ Beqa Beqaj


Veuillez trouver ci-dessous le résumé du jugement rendu par la Chambre de première instance, composée des Juges El Mahdi (Président), Liu et Szénási, tel que lu à l’audience de ce jour par le Juge Président :

La Chambre de première instance est réunie aujourd’hui pour rendre son jugement sous forme abrégée dans l’affaire Le Procureur c/ Beqa Beqaj. Ce prononcé a pour objectif d’informer les parties du résultat des délibérations de la Chambre en l’espèce. Le texte du jugement écrit sera rendu dans les plus brefs délais. Le jugement écrit exposera de façon détaillée les motifs de la Chambre et sera le seul texte à faire autorité. Par conséquent, ce qui suit, sauf le dispositif qui fait foi, n’est qu’un résumé du jugement écrit.

Nous allons à présent exposer brièvement le contexte et les faits de l’espèce.

RAPPEL DE LA PROCÉDURE

L’Accusé, Beqa Beqaj, est né le 10 novembre 1952 à Petrove, au Kosovo. Il est marié et père de six enfants. Il travaillait auparavant en Slovénie dans le secteur de la construction.

Les 19 et 21 octobre 2004, Beqa Beqaj a été interrogé par des enquêteurs du Bureau du Procureur qui le soupçonnaient d’avoir fait pression sur des témoins. Le 21 octobre 2004, l’Accusation a déposé un acte d’accusation à l’encontre de Beqa Beqaj, acte qui a été confirmé une semaine plus tard. Dans l’acte d’accusation, il est reproché à Beqa Beqaj d’avoir fait pression sur un témoin (B1) et un témoin potentiel (B2) dans le procès Limaj, et ce, à six reprises entre juin et octobre 2004, et d’avoir ainsi, sciemment et délibérément, entravé le cours de la justice dans l’affaire Le Procureur c/ Fatmir Limaj, Haradin Bala et Isak Musliu en 1) menaçant, 2) intimidant, 3) subornant ou 4) faisant de toute autre manière pression sur des témoins ou des témoins potentiels. L’Accusation a souligné dans sa déclaration liminaire que la présente affaire porte essentiellement sur la subornation de témoins et les pressions exercées sur eux plutôt que sur les menaces ou intimidations.

Le 4 novembre 2004, l’Accusé, qui était détenu à Pristina à la demande de l’Accusation et sur ordre de la Mission des Nations Unies au Kosovo (MINUK) depuis le 19 octobre 2004, a été transféré au Quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye. Le 8 mars 2005, l’Accusé s’est vu accorder par cette Chambre une mise en liberté provisoire au Kosovo. Le 7 avril 2005, la Chambre a fixé la date de l’ouverture du procès au 25 avril 2005 et ordonné la suspension de la mise en liberté provisoire de l’Accusé. Beqa Beqaj a été replacé sous la garde du Tribunal le 20 avril 2005. Au total, à ce jour, l’Accusé a passé environ cinq mois en détention provisoire.

L’Accusation a cité trois témoins à comparaître pour prouver ses allégations, à savoir les deux victimes présumées de l’Accusé, les témoins B1 et B2, et Jonathan Sutch, enquêteur au Bureau du Procureur qui a interrogé l’Accusé les 19 et 21 octobre 2004. La Défense a choisi de ne citer aucun témoin à comparaître. L’Accusé a exprimé le souhait de faire une déclaration en application de l’article 84 bis du Règlement le 25 avril 2005, déclaration dans laquelle il a rejeté les accusations portées contre lui. Les déclarations liminaires des parties ont été entendues le 25 avril 2005. Le réquisitoire et la plaidoirie se sont déroulés le 2 mai 2005.

La Chambre souligne qu’en conformité avec la jurisprudence du Tribunal, elle n’a pas examiné séparément les témoignages présentés en l’espèce. Ce sont les éléments de preuve, pris dans leur ensemble, qui ont permis à la Chambre de parvenir à ses conclusions au-delà de tout doute raisonnable.

LES ACCUSATIONS D’OUTRAGE
AU SENS DE L’ARTICLE 77 DU RÈGLEMENT

L’article 77 du Règlement

La Chambre s’est tout d’abord penchée sur l’objection soulevée par la Défense au sujet de l’outrage. La Défense, invoquant le principe de légalité, a fait valoir qu’une telle infraction n’est pas sanctionnée par le Statut du Tribunal mais qu’elle est prévue à l’article 77 de son Règlement de procédure et de preuve, lequel ne peut pas créer de nouvelles infractions.

Il est de jurisprudence constante au Tribunal, comme la Chambre l’a confirmé dans sa décision datée du 25 avril 2005, que le Tribunal possède le pouvoir inhérent de sanctionner un comportement qui tend à entraver ou à affecter le cours de la justice. Ce pouvoir est nécessaire pour que le Tribunal puisse exercer pleinement les compétences qui lui sont conférées expressément par son Statut et aussi pour l’accomplissement de ses fonctions judiciaires fondamentales. Pour exister, ce pouvoir n’exige pas nécessairement qu’il soit explicitement prévu dans le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal. Dans son jugement écrit, la Chambre s’étendera davantage sur le principe de légalité, principe qui, selon la Défense, a été enfreint.

En vertu de ce pouvoir inhérent, et en appliquant les critères juridiques qui seront exposés en détail dans le jugement écrit, la Chambre va déterminer si l’Accusé a adopté un comportement assimilable à l’une des formes d’outrage alléguées en l’espèce.

La Chambre a examiné l’un après l’autre les six incidents de pressions décrits par l’Accusation pour fonder son accusation à l’encontre de l’accusé.

Les faits

11 juin 2004 (incident no 1)

L’Accusation affirme qu’en juin 2004, environ six mois avant l’ouverture du procès Limaj, Beqa Beqaj a tenté pour la première fois d’influencer un témoin. Cet épisode implique Bashkim Beqaj, le fils de l’Accusé, et le témoin B2.

Le témoin B2 a déclaré qu’au début de l’été 2004, alors qu’il se promenait dans les rues de Shtime, une petite ville du Kosovo, il a été accosté par le fils de l’Accusé, Bashkim Beqaj, juste devant un restaurant où ce dernier venait de diner. Le fils de Beqa Beqaj a accusé B2 d’être responsable de la détention de son oncle, Isak MUSLIU, à La Haye et a voulu s’en prendre à lui. B2 s’est ensuite rendu au domicile de Beqa Beqaj, qui a alors présenté ses excuses pour le comportement de son fils, lui a offert du café et promis que son fils se comporterait bien à l’avenir. La Défense a laissé entendre lors du contre-interrogatoire que le fils de l’Accusé avait agi sous l’influence de l’alcool et a mentionné également dans sa plaidoirie que c’était le fils de Beqa Beqaj, et non l’Accusé, qui avait pris part à cet épisode.

La Chambre estime que les éléments de preuve produits par l’Accusation au sujet de cet épisode ne sont pas concluants et ne permettent pas d’établir que le témoin B2 a subi des pressions de la part de Beqa Beqaj. En conséquence, la Chambre ne saurait déclarer l’Accusé coupable d’outrage, s’agissant des allégations selon lesquelles il aurait cherché à influencer le témoin potentiel B2.

Début septembre 2004 (incident no 2)

L’Accusation affirme qu’au début du mois de septembre 2004, Beqa Beqaj, agissant pour le compte d’Isak Musliu, l’un des coaccusés dans l’affaire Limaj, a transmis à B1, par l’entremise d’un membre de sa famille, un message selon lequel Isak Musliu lui donnerait un terrain en échange s’il revenait sur sa déclaration.

Les éléments de preuve pertinents produits à propos de cet épisode indiquent que fin août ou début septembre 2004, des proches du témoin B1, en l’occurrence son frère et sa mère, l’ont appelé au téléphone afin de l’informer qu’un membre de la famille originaire de Shtime (ci-après le « parent ») était venu les trouver et leur avait dit de demander à B1 de revenir sur sa déclaration. Le parent a ajouté qu’Isak Musliu lui avait téléphoné en disant qu’il cèderait à B1 un terrain en mémoire de son proche parent qui avait été tué. B1 a expliqué lors de sa déposition qu’Isak Musliu avait pris part aux sévices corporels et aux tortures infligés à son proche parent et à lui-même, mais qu’il n’avait pas tué son proche parent. B1 a déclaré que le parent n’avait pas mentionné le nom de Beqa Beqaj aux membres de sa famille. Il ne se rappelait pas non plus si Isak Musliu avait appelé directement le parent, ou bien s’il avait appelé Beqa Beqaj, qui avait alors appelé le parent.

Les éléments de preuve produits ne permettent pas d’établir de façon irréfutable que Beqa Beqaj a pris part à cet épisode. La Chambre estime que rien ne vient étayer l’allégation de l’Accusation selon laquelle Beqa Beqaj aurait cherché à influencer le témoin B1 début septembre 2004.

27 septembre 2004 (incident nş 3 et nş4)

S’agissant de l’incident nş 3, le 27 septembre 2004, l’Accusé aurait rendu visite au parent du témoin B1 ; il aurait affirmé parler au nom de Fatmir Limaj et d’Isak Musliu et lui aurait demandé de transmettre un message au témoin B1 selon lequel celui-ci devait revenir de toute urgence au Kosovo pour y rencontrer les avocats de la Défense et revenir sur sa déclaration. Ce parent aurait proposé de donner au témoin B1 le numéro de téléphone de Beqa Beqaj afin qu’ils se parlent directement. S’agissant de l’incident nş 4, plus tard, le même jour, l’Accusé, mécontent car le témoin B1 avait refusé d’obtempérer, aurait de nouveau demandé que celui-ci revienne au plus vite au Kosovo afin qu’il rencontre les avocats de la Défense, la famille des accusés dans l’affaire Limaj, et lui-même, et qu’il revienne sur sa déclaration.

À l’audience, le témoin B1 a expliqué que ce parent lui avait téléphoné un soir pour lui rapporter la conversation qu’il aurait eue avec l’Accusé au sujet de son retour au Kosovo afin qu’il revienne sur la déclaration qu’il avait faite contre Fatmir Limaj et Isak Musliu et rencontre leurs avocats ; il lui avait en outre donné le numéro de téléphone de Beqa Beqaj afin qu’ils puissent se parler directement. Le témoin B1 a précisé que ce parent lui avait alors dit : « Ce sera mieux pour toi, pour eux, pour Isak Musliu et pour Fatmir Limaj. »

Selon le témoin B1, ce parent aurait appelé peut-être trois fois au total. La troisième fois, il lui a dit : « Beqa attend que tu l’appelles. Pourquoi est-ce que tu ne lui téléphones pas ? » « Je t’ai donné son numéro. J’ai vu Beqa à Shtime et je lui ai demandé si tu l’avais appelé. Il m’a répondu que non. J’ai donc décidé de te rappeler pour te demander pourquoi tu ne l’avais pas fait. »

Les éléments de preuve n’établissent pas de manière irréfutable que l’Accusé ait incité le parent du témoin B1 à convaincre celui-ci de revenir sur sa déclaration et de rencontrer les avocats de Fatmir Limaj et d’Isak Musliu. Le témoin B1 a déclaré que son parent et l’Accusé étaient convenus ensemble qu’il était dans son intérêt de revenir sur sa déclaration et de rencontrer les avocats de la Défense. Vu les éléments de preuve concernant l’incident nş 3 (y compris ceux concernant l’incident nş 2), il n’a pas été établi au-delà de tout doute raisonnable que le parent du témoin B1 n’aurait pu agir de son propre chef sans y être poussé par l’Accusé ou en connivence avec lui. La Chambre peut toutefois s’appuyer sur la déposition du témoin B1 concernant ce cas pour déterminer si elle conforte ou non d’autres allégations.

6 octobre 2004 (incident nş 5)

Selon l’Accusation, après que le témoin B1 eut informé les enquêteurs du bureau du Procureur qu’il avait reçu un appel de l’Accusé, sa ligne téléphonique a été mise sur écoute le 6 octobre 2004 afin d’enregistrer ses futures conversations avec celui-ci.

Plusieurs extraits de l’enregistrement d’une conversation entre le témoin B1 et Beqa Beqaj prouvent les allégations de l’Accusation sur ce point. Beqa Beqaj a demandé au témoin B1 de « revenir et de faire une seule déclaration ». « Reviens et dis que tu n’as rien à voir avec Fatmir Limaj et Isak [Musliu]. » Lors de cette conversation, Beqaj a admis qu’il avait parlé au frère de Fatmir Limaj, Demir Limaj. Il a ensuite demandé au témoin B1 de revenir et de rencontrer les avocats de Fatmir Limaj et d’Isak Musliu à Pristina. Il lui a dit que rien ne lui arriverait, qu’il devait « trouver une solution » et « les aider » au nom de « l’ensemble du peuple albanais du Kosovo ».

Durant le contre-interrogatoire, le témoin B1 a indiqué qu’il avait lui-même téléphoné à l’Accusé, que celui-ci ne l’avait pas rappelé par la suite et qu’il n’aurait jamais cru que l’enregistrement de leur conversation aboutirait à l’arrestation de Beqaj.

La Chambre est convaincue que l’enregistrement de la conversation entre le témoin B1 et l’Accusé tend à prouver que, le 6 octobre 2004, ce dernier a approché un témoin potentiel du Tribunal pour lui suggérer le sens de son témoignage. Le fait que ce témoin a lui-même téléphoné à l’Accusé, et non l’inverse, aurait pu se révéler important pour déterminer si l’Accusé avait exercé délibérément des pressions. Or, en l’espèce, compte tenu des propos qu’il a tenus durant cette conversation, il ne fait aucun doute que l’Accusé avait l’intention d’influencer le témoin B1. Vu l’ensemble des éléments de preuve qui lui ont été présentés, la Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que l’Accusé a délibérément et sciemment interféré avec un témoin potentiel du Tribunal.

13 octobre 2004 (incident nş 6)

Selon l’Accusation, la conversation du 13 octobre 2004 est la plus importante de toutes celles interceptées entre Beqa Beqaj et le témoin B1. Elle fait valoir que, durant cette conversation, l’Accusé a de nouveau fait pression sur le témoin B1 pour qu’il commette un faux témoignage. Il lui a de nouveau demandé de rentrer de toute urgence au Kosovo pour y rencontrer les avocats de la Défense et le frère de Fatmir Limaj, Demir Limaj, afin de revenir sur la déclaration faite dans l’affaire Limaj. Selon l’Accusation, le plus important dans cet enregistrement est que Beqa Beqaj a dit : « On ne te demande rien pour Bala. » (Haradin Bala étant l’un des trois coaccusés en l’espèce.)

À l’appui de ses allégations, l’Accusation fait valoir que la ligne téléphonique de l’Accusé a été placée sur écoute et que toutes les conversations qu’il a eues le 13 octobre 2004, d’abord avec Isak Musliu, puis avec le témoin B1, avec un inconnu, et enfin, avec « Dule » Bajrami ont été interceptées, comme celle qu’il a eue le lendemain avec Demir Limaj. La transcription de l’enregistrement de chacune de ces conversations a été versée au dossier.

Durant la première conversation entre Beqa Beqaj et Isak Musliu, cousin germain de l’épouse de l’Accusé, on apprend que « les poutres ne sont pas prêtes » et que « le toit n’est pas posé ». L’Accusation laisse entendre que les deux interlocuteurs sont convenus d’utiliser un langage codé (Beqaj ne montrant aucune surprise) pour indiquer que le témoin B1 ne s’est pas laissé convaincre de faire une nouvelle déclaration. Le reste de l’enregistrement est une conversation entre Isak Musliu et le fils de Beqaj.

La deuxième conversation interceptée a eu lieu à l’initiative du témoin B1 et constitue la preuve la plus importante de l’Accusation. Durant cette conversation, l’Accusé demande au témoin B1 soit de faire une nouvelle déclaration aux avocats de la Défense ou à Demir Limaj, soit d’envoyer une « lettre » par télécopie. Il lui assure ensuite qu’après cette déclaration, Fatmir Limaj et Isak Musliu seront immédiatement libérés et ajoute : « Pour Bala, je ne te demande rien. »

Dans la troisième conversation interceptée, l’Accusé parle à un inconnu d’un appel qu’il aurait reçu à dix-sept heures. Selon l’Accusation, il s’agit très probablement de l’appel du témoin B1.

Dans la quatrième conversation interceptée, l’Accusé parle à un certain « Dull » Bajrami : selon le témoin B1 et l’Accusé, interrogé le 21 octobre 2004, il s’agirait du pseudonyme d’Abdullah Musliu, beau-frère de Beqaj. Il lui dit : « On n’en tirera rien. » « Il vient de m’appeler. » « Il n’y a rien à espérer de lui. » « Il joue sur les mots. » « Je suis tellement furieux .»

Enfin, dans la cinquième conversation interceptée le 14 octobre 2004, l’Accusé confirme à Demir Limaj qu’il a reçu la veille au soir un appel de Salih Bajrami, alias Abdullah de Racak ; il lui dit qu’il sait « de quoi il s’agit » et qu’il accepte de le rencontrer à Pristina.

Vu les deuxième et quatrième conversations interceptées, la Chambre est convaincue au-delà de tout doute raisonnable que l’Accusé a interféré avec le témoin B1. Elle est également convaincue qu’il a délibérément et sciemment cherché à diriger son témoignage dans l’affaire Limaj.

CONCLUSIONS

Au vu de tous les éléments de preuve présentés au procès, la Chambre de première instance tire les conclusions suivantes à propos de chaque chef retenu dans l’Acte d’accusation.

Chef 1 : Outrage au Tribunal

Menaces

La Chambre de première instance estime qu’aucune preuve ne vient étayer les allégations selon lesquelles l’Accusé aurait menacé les témoins potentiels B1 et B2.

Intimidation

La Chambre de première instance estime qu’aucune preuve ne vient étayer les allégations selon lesquelles l’Accusé aurait intimidé les témoins potentiels B1 et B2.

Subornation

La Chambre de première instance estime qu’aucune preuve ne vient étayer les allégations selon lesquelles l’Accusé aurait suborné le témoin B1.

Pressions exercées de toute autre manière sur des témoins potentiels

La Chambre de première instance estime que s’agissant du témoin potentiel B2, aucune preuve ne vient étayer les allégations selon lesquelles l’Accusé aurait entravé le cours de la justice.

Toutefois, la Chambre de première instance est convaincue que s’agissant du témoin B1, des éléments de preuve établissent au-delà de tout doute raisonnable que l’Accusé a délibérément et sciemment agit dans le but d’entraver le cours de la justice et que ce comportement constitue un outrage au Tribunal.

Chef 2 : Tentative d’outrage au Tribunal

La Chambre de première instance estime qu’aucune conclusion ne s’impose concernant ce chef dans la mesure où il a été retenu à défaut du chef 1.

Chef 3 : Incitation à commettre un outrage au Tribunal

La Chambre de première instance estime qu’aucune preuve n’établit au-delà de tout doute raisonnable que l’Accusé a délibérément et sciemment incité à commettre un outrage au Tribunal.

PEINE

Finalités de la peine

La Chambre de première instance a pris en considération les finalités de la peine. L’outrage appelle une sanction qui non seulement vaut rétribution pour les actes commis, mais aussi de faire en sorte de dissuader autrui d’agir de même.

La Chambre de première instance a tenu compte avant tout de la gravité de l’infraction commise par Beqa Beqaj et de la situation personnelle de ce dernier, y compris des circonstances aggravantes et atténuantes.

Gravité de l’infraction

La Chambre de première instance considère que l’Accusé s’est rendu coupable d’actes très graves. L’exercice par le Tribunal de sa compétence dépend dans une très large mesure de la sincérité et véracité des propos des témoins.

Circonstances aggravantes

La Chambre de première instance rappelle que les circonstances aggravantes doivent être prouvées au-delà de tout doute raisonnable. L’Accusation fait valoir que la vulnérabilité du témoin B1, qui a survécu à un massacre (au cours duquel son proche parent a été tué), à des tortures ainsi qu’à deux tentatives d’assassinat et le fait qu’en raison des pressions exercées sur lui, sa famille et lui-même font à présent partie d’un programme de protection des témoins constituent une circonstance aggravante.

La Chambre de première instance retient cette circonstance. L’infraction a été commise à un moment où la victime était particulièrement vulnérable.

Circonstances atténuantes

Les circonstances atténuantes sont établies sur la base de l’hypothèse la plus probable. La Défense fait valoir que la bonne moralité de Beqa Beqaj attestée par les témoins B1 et B2, sa situation personnelle (il est père de six enfants et travaille dans le secteur de la construction en Slovénie), l’absence d’antécédents judiciaires et la coopération dont il a fait preuve pendant sa libération provisoire constituent des circonstances atténuantes.

La Chambre de première instance retient ces circonstances atténuantes. Elle rappelle en particulier que le témoin B2 a conclu sa déposition en disant qu’il n’avait jamais craint Beqa Beqaj, que ce dernier était « quelqu’un de bien », que « sa belle-famille [...] l’a amené par la ruse à faire ces choses-là », qu’il espérait que l’Accusé « serait remis en liberté » et qu’ils pourraient tous « rentrer à la maison, ensemble, si possible ». De même, le témoin B1 a déclaré que Beqa Beqaj n’avait jamais usé d’intimidation ni de menaces à son encontre mais qu’il avait servi d’intermédiaire entre la famille du témoin et celle de son épouse et qu’il était regrettable que ceux qui ont proféré des menaces soient apparentés à celle-ci.

Fixation de la peine

La Chambre de première instance considère que pour que les objectifs de la peine soient remplis, il y a lieu de prononcer en l’espèce une peine d’emprisonnement.

DISPOSITIF (et je précise qu’il fait foi)

Monsieur Beqaj, veuillez vous lever

Vu les arguments et les éléments de preuve présentés par les parties, la Chambre de première instance vous déclare

Coupable du chef 1

Et vous acquitte du chef 2 et du chef 3

La Chambre de première instance vous condamne à une peine de quatre (4) mois d’emprisonnement. Le temps que vous avez passé en détention à ce jour étant déduit de la durée totale de la peine, vous êtes donc libre. Le Tribunal prendra les dispositions nécessaires pour votre retour au Kosovo.

L’audience est levée.


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