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Statement by Judge Mcdonald, President of the International Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia.

PRÉSIDENT
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, 5 novembre 1998
JL/PIU/359-F

Déclaration de la Juge McDonald, Présidente du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

«  Le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) a fait de cet État un État voyou »

Le Procureur et moi-même avions l’intention de nous rendre en République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) pour assister à une conférence sur les procès pour crimes de guerre, organisée par le Centre de droit humanitaire de Belgrade. Le Procureur souhaitait ensuite se rendre au Kosovo pour y mener des enquêtes concernant d’éventuelles violations du droit humanitaire international, comme son mandat l’autorise à le faire.

Hier soir, le Procureur a été informé par le Gouvernement de la RFY du fait qu’ « au sujet du TPIY [sic], la République fédérale de Yougoslavie n’autorise aucune enquête au Kosovo et Metohija en général, pas plus que durant votre séjour en RF de Yougoslavie [sic] ».Cette déclaration est un refus flagrant d’autoriser le Procureur à enquêter sur les événements survenus au Kosovo. Plus tôt cette semaine, les Ministres de la justice de la RFY (Serbie et Monténégro) et de la Serbie avaient déclaré que la compétence du Tribunal international pour enquêter sur les événements du Kosovo avait pris fin avec la signature récente d’accords conclus par la RFY avec l’OTAN et l’OSCE. Cette situation est absolument inacceptable.

Je souhaite souligner que cette position des Gouvernements de la RFY (Serbie et Monténégro) et de la Serbie ne s’appuie sur aucun fondement juridique et qu’il est illégal de ne pas autoriser l’accès du Procureur au Kosovo. Le Conseil de sécurité a réaffirmé à plusieurs reprises que le Procureur était juridiquement habilité à mener des enquêtes sur les évènements du Kosovo, auxquelles il lui a d’ailleurs donné pour instruction de procéder. Au mois de mars cette année, le Conseil a demandé au Procureur de commencer sans délai à rassembler des informations sur des crimes susceptibles de relever de la compétence du Tribunal international. Le Conseil a en outre réaffirmé l’obligation de la RFY (Serbie et Monténégro) de coopérer avec le Tribunal international. Il a ensuite réitéré cette position dans la résolution 1199, adoptée en septembre dernier. Plus récemment, dans sa résolution 1203, le Conseil a demandé que « soit menée à bien sans délai, sous une supervision et avec une participation internationales, une enquête sur toutes les atrocités commises contre des civils, et qu'une coopération pleine et entière soit apportée au Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie, notamment en donnant effet à ses ordonnances, en donnant suite à ses demandes d'information et en respectant le déroulement de ses enquêtes ».

Ces résolutions ont été adoptées et le Tribunal pénal international a été établi par le Conseil de sécurité en vertu du chapitre sept de la Charte de l’ONU. Aux termes du droit international, ces dispositions s’appliquent à tous les États. Le Gouvernement de la RFY a l’obligation claire et incontestable de coopérer pleinement avec le Tribunal international. Il ne saurait agir unilatéralement en contrariant ou en sapant l’autorité du Conseil de sécurité. Les décisions et ordonnances du Conseil de sécurité prévalent sur toute déclaration ou assertion de ce Gouvernement. Celui-ci commet donc une infraction directe aux dispositions des résolutions 1160, 1199 et 1203.

Cette attitude constitue un nouvel exemple du mépris de la RFY pour les critères de la communauté internationale. La RFY est au bout du compte devenue un État voyou, qui fait fi de la primauté du droit dans les relations internationales. Le Procureur m’a informée par lettre du fait que la RFY (Serbie et Monténégro) ne respectait pas ses obligations, empêchant son Bureau d’exercer ses fonctions et entravant l’exécution du mandat du Tribunal international. J’en informerai aujourd’hui le Conseil de sécurité. Un tel comportement ne constitue cependant pas seulement un affront au Tribunal international en tant qu’institution ; il met aussi directement en cause l’autorité du Conseil de sécurité. Je vais demander instamment au Conseil de faire valoir son autorité et de réagir avec fermeté à l’action de la RFY (Serbie et Monténégro).

En opposant un refus à l’exercice du droit qu’a le Procureur d’enquêter sur la situation au Kosovo, le Gouvernement fait preuve d’un manque de coopération avec le Tribunal international en tant qu’institution. En pareilles circonstances, il serait inapproprié que je me rende en RFY (Serbie et Monténégro).

Je souhaite souligner, par ailleurs, qu’en annonçant son intention de passer outre au droit international, le Gouvernement de la RFY (Serbie et Monténégro) agit également au détriment de ses propres citoyens. La population de la RFY est malheureusement stigmatisée à cause de la politique de son Gouvernement, en conséquence directe de laquelle elle est mise à rude épreuve. Aussi, je regrette vivement de ne plus pouvoir me rendre à la Conférence sur les procès pour crimes de guerre, car elle est organisée par des personnes qui, au sein de la RFY (Serbie et Monténégro), s’emploient à défendre l’état de droit et à promouvoir la liberté d’expression. À présent, il est temps pour la communauté internationale d’agir avec force pour empêcher l’obstruction faite au mandat qu’elle a confié au Tribunal international.