Communiqué de presse | CHAMBRES |
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
CS/1513f
Le Tribunal rejette la requête aux fins d’acquittement déposée par Radovan
Karadžić concernant 10 des 11 chefs d’accusation retenus contre lui
Radovan Karadžić |
La Chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie a rejeté aujourd’hui la requête formulée oralement par Radovan Karadžić aux fins d’acquittement concernant dix des onze chefs retenus contre lui. Elle a toutefois accueilli sa requête concernant un chef d’accusation le mettant en cause pour génocide pour des crimes commis entre mars et décembre 1992 dans plusieurs municipalités de Bosnie-Herzégovine.
La Chambre a rendu sa décision orale en application de l’article 98 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, qui dispose qu’à la fin de la présentation des moyens à charge, la Chambre de première instance doit, par décision orale et après avoir entendu les arguments oraux des parties, prononcer l'acquittement de tout chef d'accusation pour lequel il n'y a pas d'éléments de preuve susceptible de justifier une condamnation.
Le Procureur accuse Radovan Karadžić, l’ancien Président de la Republika Srpska, chef du Parti démocratique serbe et commandant suprême de l’Armée des Serbes de Bosnie, de onze chefs d’accusation, pour génocide, crimes contre l’humanité et violations des lois ou coutumes de la guerre, perpétrés en Bosnie Herzégovine entre 1992 et 1995.
Dans le chef 1 de l’Acte d'accusation, Radovan Karadžić est mis en cause pour des crimes qui auraient été commis entre le 31 mars et le 31 décembre 1992, dans certaines municipalités de Bosnie-Herzégovine, à l’encontre des Musulmans de Bosnie et des Croates de Bosnie. Ayant examiné l’ensemble des éléments de preuve relatifs aux meurtres, aux atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale, aux transferts forcés et aux conditions de vie infligés au Croates et aux Musulmans de Bosnie de ces municipalités, la Chambre a conclu que les éléments de preuve présentés, même considérés au regard de leur caractère le plus incriminant, ne sont pas suffisamment étayés pour qu’un juge raisonnable des faits puisse conclure à la commission d’un génocide dans ces municipalités.
La Chambre a fait remarquer qu’il est possible d’inférer l’intention génocidaire à partir d’un certain nombre de facteurs et de circonstances, notamment le contexte général de l’affaire, les moyens dont disposait l’auteur des crimes, la commission systématique d’autres actes répréhensibles dirigés contre un même groupe, l’échelle des atrocités commises, la répétition d’actes destructeurs et discriminatoires, l’utilisation de termes péjoratifs pour qualifier un groupe particulier ou l’existence d’un plan ou d’une politique visant à commettre les crimes sous-jacents. La Chambre a fait observer que, bien qu’elle ait reçu des éléments de preuve concernant des actes répréhensibles perpétrés systématiquement à l’encontre de Musulmans de Bosnie et/ou de Croates de Bosnie dans ces municipalités, et concernant la répétition d’actes et de propos discriminatoires, la nature, l’ampleur et le contexte de la commission des crimes ne permettraient pas à un juge raisonnable des faits de conclure que ceux-ci avaient été commis avec une intention génocidaire.
La Chambre a conclu que bien que certains éléments de preuve indiquent clairement que les Musulmans et les Croates de Bosnie de ces municipalités ont été transférés de force ou chassés de leurs maisons dans des conditions extrêmement pénibles, et que certains d’entre eux ont sans doute été victimes d’atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale à cette occasion, les moyens de preuve présentés n’atteignent pas le seuil au-delà duquel il serait possible de conclure que les atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale subies pendant ces transferts auraient pu conduire à la mort de l’ensemble ou d’une partie des personnes expulsées, dans le cadre de la commission d’un génocide.
La Chambre de première instance a rejeté la demande d’acquittement déposée par l’Accusé pour les dix autres chefs d’accusation retenus contre lui.
En ce qui concerne les chefs d'accusation, autres que le chef I, relatifs aux Municipalités, la Chambre a conclu que des éléments de preuve avaient été présentés pour ce qui est de la participation volontaire de Radovan Karadžić à une entreprise criminelle commune avec d’autres dirigeants serbes de Bosnie, qui visait à chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie en Bosnie-Herzégovine. La Chambre a conclu qu’il partageait cet objectif, avec les autres participants à cette entreprise criminelle commune, et que celui-ci devait être atteint
notamment par la perpétration des crimes de persécutions, d’extermination, meurtres, expulsions et actes inhumains (transfert forcé). La Chambre a estimé que Radovan Karadžić y avait contribué par ses actes et omissions.
S’agissant du crime allégué de prise d’otages, concernant la détention de plus de 200 soldats de la paix de l’ONU et d’observateurs militaires, la Chambre a conclu qu’il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que : le crime de prise d’otage, une violation des lois ou coutumes de la guerre, a été commis par les forces serbes de Bosnie en mai et juin 1995 ; qu’une entreprise criminelle commune visant à prendre en otage des représentants de l’ONU en vue de contraindre l’OTAN à renoncer aux frappes aériennes contre des objectifs militaires serbes de Bosnie a bien existé ; et que Radovan Karadžić a participé de manière volontaire à cette entreprise criminelle commune et qu’il partageait l’intention de ses membres d’en voir les objectifs réalisés.
S’agissant de Sarajevo, la Chambre a conclu qu’il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que : les crimes d’assassinat (un crime contre l’humanité et une violation des lois ou coutumes de la guerre) ont été perpétrés par les forces serbes de Bosnie à Sarajevo ; que les crimes de terrorisation et d’attaques illégales ont été perpétrés par les forces serbes de Bosnie à Sarajevo ; qu’il existait, d’avril 1992 à novembre 1995, une entreprise criminelle commune visant à concevoir et à mettre en œuvre une campagne de tirs isolés et de bombardements contre la population civile de Sarajevo ; et que l’objectif de cette entreprise criminelle commune impliquait la commission des crimes de terrorisation, d’attaques illégales contre des civils, et de meurtres.
En ce qui concerne la contribution de Radovan Karadžić aux crimes perpétrés pendant le siège de Sarajevo, la Chambre a conclu qu’il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l’Accusé a participé de son propre gré à une entreprise criminelle commune concernant Sarajevo, tant par ses actes que par ses omissions, et qu’il partageait l’intention des autres membres de cette entreprise criminelle commune d’atteindre cet objectif, visant à concevoir et mettre en oeuvre une campagne de tirs isolés et de bombardements contre la population civile de Sarajevo dans le principal objectif d’y répandre la terreur. La Chambre a conclu en outre que les éléments de preuve présentés donnent à penser qu’il partageait avec les autres membres de l’entreprise criminelle commune l’intention de commettre les crimes de meurtre, de terrorisation et d’attaques illégales dirigées contre des civils.
S’agissant de Srebrenica, la Chambre a conclu que, relativement aux chefs 4, 5 et 6
de l’Acte d'accusation, il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu au-delà du doute raisonnable que : les crimes de meurtre (crime contre l’humanité et violation des lois ou coutumes de la guerre), et d’extermination (crime contre l’humanité) ont été perpétrés par les forces serbes de Bosnie à Srebrenica en 1995.
S’agissant du chef 2 de l’Acte d'accusation, relatif à la commission d’un génocide à Srebrenica, la Chambre a conclu que, relativement aux chefs 4, 5 et 6 de l’Acte d'accusation, il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés ) être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que les forces serbes de Bosnie à Srebrenica s’en étaient rendues coupables.
En ce qui concerne les chefs 3, 7 et 8 de l’Acte d'accusation relativement à Srebrenica, la Chambre a conclu qu’il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu, au-delà de tout doute raisonnable, que les crimes d’expulsion et de transfert forcé (acte inhumain), et de crimes contre l’humanité, avaient été commis par les forces serbes de Bosnie à Srebrenica en juillet 1995, et que des persécutions, en tant que crime contre l’humanité, avaient été commises à Srebrenica en juillet et août 1995 par les forces serbes de Bosnie contre des Musulmans de Bosnie, dans le but d’exercer à leur encontre une discrimination sur le fondement de critères ethniques, religieux ou politiques.
S’agissant de la responsabilité de Radovan Karadžić pour les chefs d’accusation 2 et 8 concernant Srebrenica, comme il est indiqué plus haut, la Chambre a conclu qu’il existe des éléments de preuve sur lesquels un juge des faits raisonnable pourrait (s'ils sont acceptés) être convaincu au-delà de tout doute raisonnable ce qui suit : il a existé une entreprise criminelle commune composée des dirigeants des Serbes de Bosnie, de militaires, de membres de la police et d’autres hauts responsables dont l’Accusé faisait partie, et dont l’objectif était d’éliminer la population des Musulmans de Bosnie de Srebrenica en commettant les crimes retenus au paragraphe 20 de l’Acte d'accusation ; et que l’Accusé a de son plein gré participé à cette entreprise criminelle commune. La Chambre a également conclu que certains éléments de preuve laissent à penser que l’Accusé partageait l’intention des autres membres de l’entreprise criminelle commune d’en réaliser les objectifs, notamment l’intention spécifique de commettre un génocide et celle d’exercer à l’encontre des Musulmans de Bosnie de Srebrenica une discrimination sur le fondement de critères ethniques, religieux ou politiques.
Radovan Karadžić a été mis en accusation le 25 juillet 1995 et placé sous la garde du
Tribunal le 30 juillet 2008, après s’être soustrait à la justice pendant plus de 13 ans. Le procès s’est ouvert le 26 octobre 2009. La présentation des moyens de la Défense devrait commencer le 16 octobre 2012.
Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l’ex‑Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 126 d’entre elles sont closes. Des procédures sont actuellement en cours concernant 35 personnes.
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Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
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