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Procès Aleksovski : la Chambre d’appel ordonne le retour en détention de l’accusé

CHAMBRE D’APPEL
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
(Destiné exclusivement à l’usage des médias. Document non officiel.)
La Haye, le 9 février 2000
CC/P.I.S/469-f

Procès Aleksovski : la Chambre d’appel ordonne le retour en détention de l’accusé

En ce mercredi 9 février2000, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), composée des Juges May (Président), Mumba, Hunt, Wang et Robinson, a entendu les exposés des parties relatifs aux appels qu’elles ont interjetés contre le jugement rendu le 7mai1999 par la Chambre de première instancel (voir le communiqué de presse 400).

À l’issue de l’audience, la Chambre d’appel a:

-rejeté l’appel interjeté par Zlatko Aleksovski contre la peine,

-accueilli l’appel interjeté par l’Accusation contre la peine, déclarant qu’«une peine révisée» serait prononcée en temps voulu, et

-ordonné à Zlatko Aleksovski de se replacer immédiatement sous la garde du Tribunal;

Après que cette décision orale a été rendue, Zlatko Aleksovski a été conduit au quartier pénitentiaire du TPIY où il devra rester «jusqu'au moment où la peine révisée sera prononcée».

Le Jugement

Le 7 mai1999, la Chambre de première instanceIa reconnu Zlatko Aleksovski coupable d’un chef de violations des violations ou coutumes de la guerre (article 3 du Statut), à savoir atteintes à la dignité des personnes, perpétré en 1993 dans un centre pénitentiaire, à Kaonik (Bosnie centrale). Zlatko Aleksovski, qui dirigeait la prison, a été reconnu coupable sur le fondement de sa responsabilité pénale en tant que supérieur hiérarchique.

Il a été condamné à une peine de deux ans et six mois d’emprisonnement. Conformément à l’article 101D) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal, la Chambre de première instance a toutefois déduit de la durée totale de la peine la période de 2 ans, 10 mois et 29 jours que l’accusé avait passée en détention préventive. La Chambre de première instance a par conséquent ordonné la mise en liberté immédiate de Zlatko Aleksovski, nonobstant appel.

Les moyens d’appel

Après que la Chambre de première instance a rendu son jugement, Zlatko Aleksovski a fait appel, invoquant les motifs suivants:

-La Chambre de première instance n’a pas déterminé que l’accusé était animé d’une intention discriminatoire, élément nécessaire pour le déclarer coupable en application de l’article 3 du Statut. - Les faits établis à l’encontre de l’accusé, en particulier les violences infligées aux détenus, n’étaient pas suffisamment graves pour justifier une condamnation en vertu de l’article 3 du Statut, et les actes de l’accusé pouvaient se justifier au regard de l’état de nécessité dans lequel il se trouvait.

- La Chambre de première instance a eu tort de se fonder sur des témoignages intrinsèquement dénués de fiabilité et ne répondant pas à la norme d’administration de la preuve requis pour fonder une condamnation.

- La Chambre de première instance a eu tort de conclure à la responsabilité de supérieur hiérarchique de l’appelant.

L’Accusation a interjeté les moyens d’appel suivants:

- La Chambre de première instance a commis une erreur de droit en concluant à l’inapplicabilité de l’article 2 du Statut au motif qu’il n’avait pas été établi que les Musulmans de Bosnie détenus à la prison de Kaonik étaient des personnes protégées au sens de l’article 4 des Conventions de Genève.

- La Chambre de première instance a commis une erreur de droit et de fait en concluant que l’accusé ne [pouvait] voir sa responsabilité engagée, sur la base de l’article 7 1) du Statut, pour les mauvais traitements subis par les détenus en dehors du camp de Kaonik.

- La Chambre de première instance a commis une erreur en imposant une peine de deux ans et demi d’emprisonnement à l’accusé.

Décision de la Chambre d’appel

Après avoir entendu l’exposé des parties, la Chambre d’appel a rejeté l’appel interjeté par Zlatko Aleksovski et a fait droit au troisième moyen d’appel soulevé par le Procureur.

Elle a réservé son jugement sur deux des moyens d’appels interjetés par l’Accusation et annoncé qu’elle rendrait un jugement écrit motivé, comprenant une révision de la peine, en temps voulu.

L’accusé

Zlatko Aleksovski a été arrêté par la police croate le 8 juin 1996 en République de Croatie, en application d’un mandat d’arrêt décerné par le Tribunal. Il a été transféré au quartier pénitentiaire du Tribunal, à La Haye, le 28 avril 1997.

Selon l’acte d’accusation, Zlatko Aleksovski dirigeait la prison de Kaonik, près de Busovača, avant de prendre la tête de la prison «Heliodrom» de Mostar, du Conseil régional de défense croate (HVO). D’après l’acte d’accusation, «[d]e janvier 1993 jusqu'à la fin de mai 1993, Zlatko ALEKSOVSKIa accepté de garder au centre d’internement de Kaonik des centaines de détenus civils musulmans de Bosnie transférés par le HVO ou ses agents. Les détenus provenaient d’une large région couvrant, sans s’y limiter, les municipalités de Vitez et de Busovca. Bon nombre des détenus sous son contrôle ont fait l’objet de traitements inhumains, y compris, sans toutefois s’y limiter, un interrogatoire excessif et cruel, des violences physiques et psychologiques, l’astreinte à des travaux forcés (creusement de tranchées) dans des conditions dangereuses, leur utilisation comme boucliers humains, et certains d’entre eux ont été assassinés ou tués».

Le procès s’est ouvert devant la Chambre de première instance le 6 janvier 1998 et a pris fin le 23 mars 1999. 38 témoins ont déposé pour le Procureur et 26 pour la Défense. Le Procureur a présenté 139 pièces à conviction et la Défense 37.