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Jugement rendu dans l’affaire Le Procureur contre Milomir Stakić

Communiqué de presse
CHAMBRES
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, le 31 juillet 2003
WS/P.I.S/774f

Jugement rendu dans l’affaire Le Procureur contre Milomir Stakić

La Chambre de première instance II, composée des Juges Wolfgang Schomburg (Président), Volodymyr Vassylenko et Carmen Maria Argibay, a rendu aujourd’hui son jugement dans l’affaire concernant Milomir Stakić.

Le juge président a donné lecture du résumé du jugement, consultable sur le site Internet du Tribunal.

Le procès de l'accusé jugé sur la base des allégations exposées dans l'acte d'accusation s'est ouvert le 16 avril 2002 et a pris fin le 15 avril 2003, au terme de 150 jours d'audience. Milomir Stakić avait à répondre de génocide, ou subsidiairement, de complicité dans le génocide, de meurtre en tant que violation des lois ou coutumes de la guerre ainsi que des crimes contre l'humanité suivants: assassinats, exterminations, persécutions, expulsions et autres actes inhumains, tels le transfert forcé, et ce dans le cadre des événements qui se sont déroulés dans la municipalité de Prijedor du 30 avril au 30 septembre 1992.

La Chambre de première instance a entendu 81 témoins en audience et a cité six témoins à comparaître en application de l’article 98. Au total, 1448 pièces à conviction ont été admises au dossier, 796 pour le compte de l'Accusation, 594 pour la Défense et 58 en tant que pièces à conviction de la Chambre. Le procès comporte 15 337 pages de comptes rendus d’audiences.

La Chambre de première instance a conclu que la prise de pouvoir dans la municipalité de Prijedor procédait d'un coup de force, qu’elle avait été planifiée et coordonnée depuis des mois, et que son objectif ultime était la création d'une municipalité entièrement serbe, devant à terme faire partie d’un État serbe ethniquement pur. Après la prise de pouvoir, Milomir Stakić est devenu, entre autres, Président de l'assemblée municipale et Président du Conseil municipal pour la Défense nationale à Prijedor. À partir du mois de mai 1992, il a présidé la Cellule de crise de la municipalité de Prijedor. Milomir Stakić était le plus haut dirigeant de la municipalité en 1992. 

Il a été établi que l’ensemble des atrocités perpétrées dans la municipalité de Prijedor en 1992 constituait une campagne de persécution. Cette campagne a pris la forme, entre autres, des meurtres commis à grande échelle dans les camps d’Omarska, de Keraterm et de Trnopolje, dans des villes et des villages de la municipalité, et finalement sur le Mont Vlasić. La Chambre de première instance a conclu que la responsabilité de Milomir Stakić était engagée pour plus de 1 500 meurtres et a été en mesure d’identifier les noms de 486 victimes. Des viols, des sévices sexuels et des brutalités étaient perpétrés dans les camps. Au moins 20 000 non-Serbes ont fui Prijedor ou en ont été expulsés.

En dépit de l’ampleur des atrocités et après un examen attentif des faits et de l'état d'esprit dans lequel se trouvaient les participants, la Chambre de première instance n'a pas été en mesure de déduire le dol spécial requis pour le génocide. Ce dol spécial, c'est-à-dire, l'intention spéciale de détruire en tout ou en partie un groupe comme tel, constitue l'élément primordial pour établir le crime de génocide. Les éléments de preuve présentés à la  Chambre de première instance ne lui ont pas permis de conclure que Milomir Stakić ou d'autres participants étaient animés cette intention.

La Chambre de première instance a considéré que les actes de persécutions et d’extermination commis contre les non-Serbes dans la municipalité constituaient l’essentiel du comportement criminel de Milomir Stakić. Il a été reconnu coupable, en tant que coauteur des crimes, d’avoir agi avec ses associés de la cellule de crise, de la police et de l’armée pour consolider l’emprise serbe sur la municipalité de Prijedor.

La Chambre de première instance a déclaré l’accusé coupable de meurtre,  constitutif d’une violation des lois ou coutumes de la guerre (chef 5), extermination, un crime contre l’humanité (chef 4), et persécutions, un crime contre l’humanité (chef 6), ayant entre autres pris la forme d’assassinat (chef 3), torture, violence physique, viol, sévices sexuels, humiliation permanente et traitements dégradants, destruction d’édifices religieux et finalement expulsion (chef 7) sur une grande échelle.
Le juge Président a donné lecture du dispositif suivant:

Nous, Juges du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, créé par le Conseil de sécurité des Nations Unies conformément à la résolution 827 du 25 mai 1993, élus par l’Assemblée générale et compétents pour juger Milomir Stakić et prononcer la peine appropriée,

PAR CES MOTIFS, DÉCIDONS :

L’accusé Milomir Stakić est ACQUITTÉ des chefs suivants:

Chef 1: Génocide.

Chef 2:
Complicité dans le génocide.

Chef 8: Autres actes inhumains (transferts forcés), un crime contre l’humanité.

L’accusé Milomir Stakić est DÉCLARÉ COUPABLE des chefs suivants :

Chef 4: Extermination, un crime contre l’humanité.

Chef 5: Meurtre, une violation des lois ou coutumes de la guerre.

Chef 6: Persécutions, un crime contre l’humanité incluant le chef 3 : Assassinat, un crime contre l’humanité et

Chef 7 : Expulsion, un crime contre l’humanité.

Milomir Stakić est condamné à l’emprisonnement à perpétuité.

La juridiction alors compétente (en application de l’article 104 du Règlement) réexamine la peine et, si elle le juge bon, suspend l’exécution de la peine d’emprisonnement à vie et accorde la libération anticipée, assortie, le cas échéant, d’une période de mise à l’épreuve, lorsque les conditions suivantes sont réunies:

(1) Le condamné a purgé une période de 20 ans d’emprisonnement calculée, en application de l’article 101 (C) du Règlement, à compter de la date à laquelle il a été arrêté pour être jugé; le réexamen de la peine intervient au terme de cette période.

(2) Une éventuelle décision de suspendre l’exécution de la peine doit reposer, entre autres, sur les éléments d’appréciation suivants:

• L’importance de l’intérêt juridique mis en péril en cas de récidive;

• Le comportement du condamné durant son emprisonnement;

• La personnalité du condamné, ses antécédents et les circonstances de ses actes;

• Les conditions de vie du condamné et les conséquences prévisibles d’une suspension de l’exécution de la peine;

(3) Le consentement de Milomir Stakić à la suspension de l’exécution de sa peine est requis.

(4) La juridiction compétente peut fixer, le cas échéant, la durée de la période de mise à l’épreuve.

En cas de libération anticipée, et en application de l’article 101 (C) du Règlement, Milomir Stakić a droit, à compter de la date du présent jugement, à ce que la période de 2 ans, 4 mois et 8 jours calculée à compter de la date à laquelle il a été arrêté pour être jugé, soit décomptée de la durée de la peine.

En vertu de l’article 103 (C) du Règlement, Milomir Stakić reste sous la garde du Tribunal international jusqu’à ce que soient arrêtées les dispositions nécessaires à son transfert vers

l’État dans lequel il purgera sa peine.

 

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