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Le procureur Geoffrey Nice a demandé à Borisav Jović de confirmer ce qu’il avait écrit dans son deuxième livre, qui décrivait Slobodan Milošević comme la figure clé et le principal acteur de ce que Jović appelait «la tragédie serbe».
« Pendant plus de dix ans Milošević avait été la personnalité politique la plus éminente en Serbie. Il avait bénéficié d'une autorité des plus absolues au niveau de la population et du parti également. Il avait la possibilité d'influer de façon décisive sur toutes les décisions à prendre. Et de ce fait, il s'est avéré être l'acteur numéro un de tout ce qui s'était passé dans cette période. »
Borisav Jović décrit plus en détail l'autorité que Milošević exerçait en Serbie, y compris celle qu'il exerçait sur lui.
« Mr. Milošević bénéficiait d'une autorité absolue indépendamment du fait d'avoir été président du parti ou pas. Pas une seule décision importante en Serbie ne pouvait être prise sans lui, pas même lorsque j'étais président moi-même.»
Borisav Jović, personnalité politique de premier plan à la fin des années 1980 et au début des années 1990, a été assigné à comparaître par l’Accusation. En le citant à comparaître, l’Accusation a surtout cherché à présenter comme moyen de preuve le journal qu’il avait écrit, intitulé « Les derniers jours de la RFIY, un journal » et son second livre, « Livre à propos de Milošević». Dans son journal, Jović a relaté en détail plus de 100 entretiens ou conversations qu’il avait eus avec Slobodan Milošević entre mai 1989 et juillet 1992.
Jović se considérait comme un proche collaborateur de Milošević, sinon son principal associé, pendant les nombreuses années durant lesquelles les crimes étaient commis en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Tout au long de son témoignage, Jović a affirmé qu’il se conformait au témoignage écrit qu’il avait présenté au Bureau du Procureur en 2002 et 2003, et à tout ce qu’il avait écrit dans ses deux livres.
Dès le début de son témoignage, Jović a affirmé que Milošević était la personnalité politique clé en Serbie. Il a maintenu devant la Chambre ce qu’il affirmait dans ses livres, à savoir que Milošević exerçait une autorité absolue au sein du Parti socialiste de Serbie (le «SPS»), le parti dominant en Serbie durant les années 1990. Pendant une période, Milošević n'avait pas pu exercer la fonction de Président du SPS, la Constitution empêchant une même personne d'être à la fois Président de Serbie et à la tête d'un parti politique. C'est alors Jović qui avait occupé la fonction de Président du SPS. Il a toutefois déclaré que c'était toujours Milošević qui prenait les décisions.
Jović a de nouveau affirmé que Milošević s'entourait de gens qui lui obéissaient inconditionnellement. Il a déclaré à la Chambre que Milošević était une forte personnalité qui choisissait naturellement « des gens qui accepteraient de réaliser [s]es décisions.» Jović a dit également que lorsqu'une personne n'était plus utile à Milošević « il y avait révocation. »
Le fait que Jović lui-même ait été révoqué après la publication de son premier livre en est un exemple marquant. Dans sa déclaration au Bureau du Procureur, qu'il a confirmé devant la Chambre, Jović a précisé « J'ai aussitôt accepté cette démission, parce que je savais que si je refusais, il veillerait à ce que je sois démis de ces fonctions. »
D’après Jović, Milošević organisait un culte de la personnalité et il lui avait demandé de mettre un terme à cela parce que le pays avait eu suffisamment de cultes de la personnalité après la seconde guerre mondiale avec le dirigeant soviétique Staline, et à l’époque de la RSFY avec Tito. Il a dit que Milošević n’avait rien répondu de particulier. Jović a toutefois ajouté que les photographies de tous les responsables politiques de premier plan qui avaient été affichées ont été retirées, à l’exception de celles de Milošević. Le culte de la personnalité s’en est donc trouvé renforcé.
Jović a aussi déclaré que, du fait de son pouvoir partiellement autocrate, Milošević exercait un contrôle décisif sur les médias de l’état. Ceux-ci servaient à « porter aux nues ou critiquer » d’autres dirigeants serbes selon la politique de l’accusé. Jović a donné à la Chambre l’exemple de dirigeants comme Milan Martić et Milan Babić, tous deux condamnés par le Tribunal par la suite pour crimes commis en Croatie. Jović a déclaré que quand Babić a déclenché les foudres de Milošević, celui-ci a utilisé les médias « parce que c'était dans l'intérêt du peuple serbe. » Toutefois, tentant de défendre la position de Milošević dans les médias, Jović a précisé « il pensait simplement qu’il était important que la radio et la télévision de l'état informe la population, mais dans l'intérêt de la politique du jour. »
Durant sa carrière politique Borisav Jović a occupé diverses fonctions gouvernementales au cours de sa carrière, surtout au niveau du développement économique et social. Il a été Ambassadeur en Italie au milieu des années 1970.Il est devenu par la suite une personnalité politique dominante de la politique yougoslave, occupant de nombreux postes de hauts rangs et il était très proche de Slobodan Milošević. Borisav Jović a été élu en mars 1989, comme représentant de la Serbie à la présidence de la République fédérale socialiste de Yougoslavie (la « RSFY »), et a aussi été Vice-Président et Président. De mi-1991 à octobre 1992, Jović a occupé la fonction de Président du Parti socialiste de Serbie (le « SPS »), prenant la suite de Slobodan Milošević lorsque ce dernier a dû quitter le pouvoir pour des raisons constitutionnelles. Lorsque Milošević a repris la présidence du parti, Jović est devenu Vice-Président, fonction qu’il a occupée jusqu’en novembre 1995. Sur la base de ces expériences, il a écrit ses deux livres, intitulés « Les derniers jours de la RSFY, un journal » et « Un livre à propos de Milošević.” Il a été interrogé en tant que suspect par le Bureau du Procureur à trois occasions en 2002 et 2003, mais n’a pas été mis en accusation.
Borisav Jović a témoigné du 18 au 20 novembre 2003. Pour le compte-rendu de son témoignage complet, voir la page Les affaires.