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Duško Tadić condamné à 20 ans d’emprisonnement

Communiqué de presse
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 14 juillet 1997
CC/PIO/226f

Duško Tadić condamné à 20 ans d’emprisonnement

Aujourd’hui, lundi 14 juillet 1997, la Chambre de première instance II composée des Juges Gabrielle Kirk McDonald (Présidente), Ninian Stephen et Lal Chand Vohrah, a rendu son Jugement portant condamnation à l’encontre de Duško Tadić.

Le contexte 

Le 7 mai 1997, Duško Tadić a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité
(6 chefs d’accusation) et de violations des lois ou coutumes de la guerre (5 chefs d’accusation). Dans son Jugement portant condamnation, la Chambre de première instance rappelle que « ces crimes consistent en des homicides, des sévices corporels et des transferts sous la contrainte, commis par Duško Tadić ou auxquels il a participé en tant que complice; il a en outre pris part à l’attaque de Kozarac, ville du nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine  qui fait partie de la municipalité de Prijedor ».

Les peines

La Chambre de première instance II a prononcé les peines suivantes et ordonné qu’elle soient confondues :

Pour les chefs d'accusation de crimes contre l’humanité

20 ans pour divers actes de persécution, dont le meurtre d’Osman Besić et d’Edin Besić,
- 10 ans pour coups et blessures et autres sévices infligés à Emir Beganović, Senad Muslimović, Emir Karabasić, Jasmin Hrnić, Enver Alić et Fikret Harambasić
- 7 ans pour les sévices corporels infligés à Sefik Sivac
- 7 ans pour les sévices corporels infligés à Hakija Elezović, Salih Elezović et Sejad Sivac
- 7 ans pour les sévices corporels infligés à Hase Icić et à d’autres prisonniers
- 10 ans pour les sévices corporels infligés à plusieurs hommes durant leur déportation des villages de Jaskici et Sivci.

Pour les chefs de violation des lois ou coutumes de la guerre

- 9 ans pour sévices corporels et autres infligés à Emir Beganović, Senad Muslimović, Emir Karabasić, Jasmin Hrnić, Enver Alić  et Fikret Harambasić
- 6 ans pour les sévices corporels infligés à Sefik Sivac
- 6 ans pour les sévices corporels infligés à Hakija Elezović, Salih Elezović et Sejad Sivac
- 6 ans pour les sévices corporels infligés Hase Icić et d’autres prisonniers
- 9 pour ans pour les sévices corporels infligés à plusieurs hommes durant leur déportation  des villages de Jaskici et Sivci. 

Recommandation d’une durée minimum

La Chambre de première instance a recommandé que, sauf circonstances exceptionnelles, la sentence de Duško Tadić « ne soit pas commuée ou réduite de quelque autre manière en une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure à dix ans » à compter de la date de ce jugement ou de la décision d’appel finale qui pourrait être rendue ultérieurement.

Duško Tadić a droit à une réduction de deux ans, huit mois et six jours de la peine imposée par la Chambre de première instance, déduction à laquelle s’ajouterait toute durée supplémentaire qu’il pourrait servir en attendant la décision d’appel finale.

Exécution des peines

La Chambre de première instance II a ordonné au Greffier de lui soumettre, ainsi qu’aux parties, une liste d’États ayant fait savoir qu’ils étaient disposés à recevoir les condamnés.

La Chambre choisira l’État dans lequel Duško Tadić purgera sa peine, après consultation des Parties.

La Chambre de première instance ordonnera ensuite au Greffier de prendre les dispositions nécessaires pour le transfert du détenu vers l’État retenu.

La Chambre suspendra cet ordre « jusqu’à la décision de la Chambre d’appel relative au recours des parties ».

Rappel

Le 23 mai et le 6 juin, respectivement, la Défense et l’Accusation ont fait appel du verdict rendu le 7 mai (voir les communiqués de presse 206, 208 et 210).

Aux termes de l’article 108 du Règlement de procédure et de preuve, un jugement portant condamnation ne peut faire l’objet d’un appel que dans un délai de trente jours après la date de son prononcé.

Dans l’affaire concernant Duško Tadić, la Chambre d’appel était composée des Juges Antonio Cassese (Président), Haopei Li, Elizabeth Odio Benito, Fouad Riad et Mohamed Shahabuddeen.

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Vous trouverez ci-dessous des extraits du Jugement portant condamnation de Duško Tadić

La version complète du jugement peut être obtenue sur demande auprès du Service de presse et d’information du Tribunal

EXTRAITS DU JUGEMENT PORTANT CONDAMNATION DE DUŠKO TADIĆ

I. INTRODUCTION

Après avoir donné un bref résumé de son Jugement et opinion du 7 mai 1997 et des audiences préalables au prononcé de la peine qui se sont tenues entre le lundi 30 juin et le vendredi 4 juillet, la Chambre de première instance a observé: « L’Accusation a requis une peine d’emprisonnement à vie, tandis que la Défense a demandé que la peine n’excède pas 15 ans de réclusion. La Chambre de première instance a dûment considéré chacun de ces exposés ».
 

II. DIRECTIVES RELATIVES AU PRONONCÉ DE LA SENTENCE

Au vu de la référence figurant dans le statut et dans le Règlement de procédure et de preuve du Tribunal à « la grille générale des peines d’emprisonnement appliquée par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie », la Chambre de première instance a noté que :

- Pendant toute la période pertinente en l’espèce, « le Code pénal de la République socialiste fédérative de Yougoslavie prévoyait la peine capitale, bien qu’elle ait été abolie par voie d’amendement constitutionnel dans certaines Républiques de l’ex-Yougoslavie, autres que la Bosnie-Herzégovine. L’emprisonnement, en tant que peine, était limité à 15 ans; dans les cas où la peine capitale était prescrite comme option à l’emprisonnement, la réclusion était limitée à 20 ans. »

- Le droit en ex-Yougoslavie « prévoit pour chacune des infractions dont Duško Tadić a été reconnu coupable des peines allant de 5 ans d’emprisonnement à la peine capitale ».

- Les articles 41 1), 42 et 43 du Code pénal de la RSFY ont été pris en considération: ils définissent les différents facteurs dont il convient de tenir compte en fixant la sentence, tels que le degré de la responsabilité pénale, les motifs pour lesquels l’infraction a été commise, les antécédents de l’auteur et les circonstances atténuantes.

La Chambre de première instance a tenu compte des dispositions prévues au paragraphe 2) de l’article 24 du Statut, telles que « la gravité de l’infraction et la situation personnelle du condamné », ainsi que d’« autres causes aggravantes ou atténuantes reconnues par les juridictions internes du monde entier auxquelles la Chambre de première instance a jugé opportun de se référer ». La Chambre de première instance a encore considéré les peines prévues par les tribunaux militaires nationaux et internationaux et par les législations nationales pour les crimes contre l’humanité.

III. CIRCONSTANCES PERTINENTES AUX FINS DE DÉTERMINER LA SENTENCE À APPLIQUER À CHACUN DES CRIMES

Pour chacun des chefs d’accusation dont Duško Tadića été reconnu coupable, la Chambre de première instance a examiné les circonstances de l’infraction et le rôle de Duško Tadić par rapport à chacune des victimes.

CHEFS D'ACCUSATION DE TRAITEMENT CRUEL ET ACTES INHUMAINS:

Sévices subis par Emir Beganović dans le hangar du camp d’Omarska: « Duško Tadić a clairement participé délibérément et activement au crime ».

Sévices subis par Senad Muslimović dans le hangar du camp d’Omarska: « Nous retiendrons, en particulier, l’usage d’une arme mortelle par Duško Tadić pour causer de grandes peines et souffrances...»

Sévices subis par Emir Karabasić, Jasmin Hrnić et  Enver Alić dans le hangar du camp d’Omarska: « Nous retenons ici le nombre des victimes, chacune d’elles ayant subi des sévices graves du fait de ce groupe d’hommes et encore une fois, l’usage d’une arme mortelle par Duško Tadić pour infliger des blessures et des souffrances profondes à l’un des détenus ».

Sévices subis par Fikret Harambasić dans le hangar du camp d’Omarska: « La Chambre de première instance conclut au-delà de tout doute raisonnable que Duško Tadić était présent dans le hangar au moment de l’agression et de la mutilation sexuelle dont Fikret Harambasić a été victime et que, par sa présence, il a aidé et encouragé le groupe d’hommes qui ont pris une part active à ces faits. En particulier, nous retenons la cruauté et lhumiliation infligées à la victime et aux autres détenus présents.»

Sévices subis par SefikSivac dans la « maison blanche » du camp d’Omarska: « Dans ce cas, il est particulièrement important de prendre en considération la gravité des sévices infligés… »

Sévices subis par Hakija Elezović, Salih Elezović et d’autres prisonniers dans la« maison blanche » du camp d’Omarska:  « Duško Tadić n’a été reconnu coupable de l’assassinat d’aucun des prisonniers mais sa participation aux sévices corporels infligés aux prisonniers a encouragé les gardes du camp et les visiteurs à battre d’autres détenus dans des circonstances telles que la mort a pu et s’en est, de fait, suivie, ce qui aggrave la nature de son crime. »

Sévices subis par Hase Icić et d’autres prisonniers dans la « maison blanche » du camp d’Omarska: « Sont particulièrement à prendre en considération dans ce cas les fouets, barres de fer et autres instruments employés pour infliger de grandes souffrances à la victime, ainsi qu’aux fins de la terroriser ou de l’amener au bord de la suffocation en employant un noeud coulant. Une fois encore, la cruauté de l’agression est une considération de poids dans la détermination de la peine appropriée. »

Sévices  corporels subis par plusieurs hommes durant leur déportation des villages de
Jaskici et Sivci: la Chambre de première instance a déclaréDusko Tadić coupable « d’avoir battu (…)Beido Balić ,Sefik Balić, Ismet Jaskić et Salko Jaskić ”. Depuis ce jour, aucun des témoins n’a vu les hommes disparus du village. »


CHEF DE PERSÉCUTION:

Attaque de Kozarac et de ses environs :

-  « Duško Tadić a pris une part active dans toutes les phases de l’offensive contre la ville...
- «  ... Duško Tadić a apporté son concours à la déportation forcée des hommes du village.»
-...[a commis le meurtre de deux policiers musulmans:] « II s’agissait clairement d’homicides intentionnels. Ils dénotent manifestement un mode de conduite fondé sur une violence extrême à l’encontre des non-Serbes et un mépris flagrant de la vie et des souffrances humaines. Duško Tadić porte l’entière responsabilité des morts et de la manière violente et cruelle dont elles sont survenues. »

Participation aux sévices corporels infligés aux prisonniers du camp d’Omarska:
« Ces sévices infligés (…) étaient graves et comportaient les composantes courantes d’humiliation, de persécution ethnique et de violence physique. »

Considérations générales pertinentes au prononcé de la sentence pour le chef de
persécution

« La Chambre de première instance a pris en compte la participation volontaire de Duško
Tadić à la persécution des non-Serbes dans la municipalité de Prijedor en général, dont le fait qu’il a été membre du SDS, son approbation de la discrimination ethnique et religieuse et des sentiments nationalistes et sa participation aux crimes… »

FACTEURS SUPPLÉMENTAIRES PRIS EN CONSIDÉRATION DANS LE PRONONCÉ DE LA SENTENCE

CIRCONSTANCES AGGRAVANTES GÉNÉRALES:

- Chaque infraction a été commise « dans des circonstances qui ne pouvaient  qu’aggraver les crimes et les souffrances des victimes: les victimes des actes de Duško Tadić à Kozarac avaient déjà souffert les horreurs d’un bombardement d’artillerie [de deux jours] et d’une offensive militaire (...).Duško Tadić « était parfaitement conscient « des horribles conditions des camps établis par les autorités serbes de Bosnie dans la municipalité de Prijedor et [du] traitement inhumain infligé aux détenus des camps (…) »

La Chambre a également tenu compte de « la volonté de Duško Tadić de commettre les crimes et de contribuer à l'attaque de la population civile non-serbe (...) qui ont constitué
le fondement des crimes contre l'humanité commis par Duško Tadić: (...) la Chambre de première instance a pris en considération dans l'imposition d'une sentence appropriée la connaissance par Duško Tadić de l'attaque lancée contre la population civile non-serbe de l'opstina de Prijedor (…) ainsi que son soutien enthousiaste à cette attaque (...) Cette connaissance et ce soutien, manifestés par ses actions, sont à l'origine de la responsabilité de Duško Tadić pour crimes contre l'humanité plutôt que seulement pour crimes de guerre, et c'est un facteur [important] dont la Chambre de première instance a tenu compte au moment de déterminer la peine(... »).

-  La Chambre de première instance a noté que Duško Tadić« n'a[vait] coopéré d'aucune façon pertinente avec le Procureur du Tribunal international. »

CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES GÉNÉRALES

- La Défense a décrit Duško Tadićcomme « un adulte intelligent, responsable et mûr, élevé par ses parents dans un esprit de tolérance ethnique et religieuse et capable de compassion et de sensibilité envers ses concitoyens. Cependant cette description aggrave  (...) plutôt qu'elle n'atténue: le fait qu'un tel homme ait pu commettre ces crimes exige de sa part une malveillance plus grande que chez des hommes de moindre envergure ».

- « On ne saurait considérer que Duško Tadić a joué un rôle dirigeant ou organisationnel important dans les événements qui se sont déroulés dans la municipalité de Prijedor au milieu de l’année 1992 (...) Son peu d'importance relative ressort à l'évidence des mesures prises par les autorités serbes de Bosnie à l’échelon local en vue de le mobiliser comme simple soldat dans le conflit en cours et sa fuite, par la suite » du secteur.

LA SITUATION PERSONNELLE DE DUŠKO TADIĆ

  Acceptant la notion que la « philosophie moderne de la pénologie est que la sanction doit correspondre à l'auteur du crime et pas seulement au crime proprement dit », la Chambre de première instance a pris en compte :

- « L'indigence de Duško Tadić et [les] répercussions de la durée de la peine sur sa famille. » La Chambre de première instance a aussi pris en considération « l'âge de Duško Tadić tant maintenant qu'à l'expiration de toute peine à purger. » 

- Sa « personnalité, son caractère et ses antécédents familiaux et sociaux ainsi que (…) son âge à l'époque de la perpétration des crimes (…) La Chambre de première instance a également pris en compte « les antécédents professionnels de Duško Tadić et le fait qu'il avait un casier judiciaire vierge » et

- « Le contexte dans lequel ses actes ont été commis »: Duško Tadić « a commis les crimes dont il a été reconnu coupable durant un conflit armé porteur de terribles conséquences, qui se déroulait en Bosnie-Herzégovine et, en particulier, dans l'opstina de Prijedor (...)Ce n'est pas dire pour autant que sa culpabilité pénale doit être mesurée par rapport aux actes présumés d'autres personnes, connues ou inconnues, de la Chambre de première instance (...) La Chambre de première instance ne peut ou ne doit établir aucune hiérarchie stricte d'une culpabilité pénale relative. Cependant, elle ne peut pas ignorer ces événements, leur rapport avec les crimes de Duško Tadić, la façon dont ils mettent son rôle en lumière et, ainsi, sa situation personnelle. Le préjudice spécifique infligé aux victimes et à leur famille par Duško Tadić  est d'une importance primordiale. Ce préjudice ne peut se justifier en désignant d'autres personnes mentionnées par le Conseil de la défense et Duško Tadić  lui-même durant l'Audience préalable au prononcé de la sentence (...).Le Tribunal international a été établi pour statuer sur la culpabilité ou l'innocence individuelle et il s'acquitte de cette mission sans admettre comme justifications les impératifs qui, selon certains, sont intrinsèques à la nature du conflit armé ».

CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ

Avant de prononcer la sentence, la Chambre de première instance a précisé: « Un acte prohibé commis en tant que crime contre l'humanité, c'est-à-dire en pleine connaissance de cause que l'acte fait partie d'une attaque généralisée ou systématique contre une population civile est, toutes choses égales par ailleurs, une infraction plus grave qu'un crime de guerre ordinaire (...) En l'espèce, Duško Tadić  savait que ses actes faisaient partie du crime contre l'humanité commis par les forces serbes de Bosnie contre la population non-serbe de l'opstina de Prijedor et contribuaient à ce crime ».

 

 

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