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Le Tribunal décide de renvoyer l’affaire concernant Željko Mejakić, Momčilo Gruban, Dušan Fustar et Duško Knežević devant les autorités de Bosnie-Herzégovine

Communiqué de presse
GREFFE
(Destiné exclusivement à l'usage des médias. Document non officiel)
 

La Haye, 20 juillet 2005
CT/MOW/993f


Le Tribunal décide de renvoyer l’affaire concernant Željko Mejakić, Momčilo Gruban,
Dušan Fustar et Duško Knežević devant les autorités de Bosnie-Herzégovine

 

Veuillez trouver ci-dessous un résumé de la décision rendue par la Formation de renvoi, composée des Juges Orie (Président), Kwon et Parker, et lue par le Président de la Formation.

Résumé

La Formation de renvoi du Tribunal international se réunit aujourd’hui pour rendre sa décision relative à la requête de l’Accusation aux fins de renvoi de cette affaire devant les autorités de Bosnie-Herzégovine.

La requête aux fins de renvoi était appuyée par le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine. Le Gouvernement de Serbie-et-Monténégro a cependant demandé à la Formation de renvoi de déférer d’office l’affaire devant les autorités de Serbie-et-Monténégro. Les accusés se sont opposés au renvoi de leur affaire, préférant être jugés devant le Tribunal pénal international, mais ils ont avancé que s’il devait y avoir renvoi, cela devrait se faire devant les autorités de Serbie-et-Monténégro.

Nous faisons observer que le troisième membre de la Formation saisi de cette affaire, le Juge O-Gon Kwon, est dans l’incapacité d’être avec nous aujourd’hui. Le Juge Kwon partage pleinement les raisons qui figurent dans la décision écrite, ainsi que les ordonnances qui vont être rendues.

Je n’ai pas l’intention de donner lecture de la décision rendue par la Formation de renvoi dans son intégralité. Je me contenterai de faire un résumé de ses points essentiels. Il convient de souligner que ce résumé ne fait pas partie de la décision écrite, qui seule fait autorité. Des copies de la décision écrite seront disponibles à la fin de la présente audience.

Si le Tribunal a été établi par les Nations Unies afin de juger les affaires concernant des personnes responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, il n’a jamais été investi du pouvoir exclusif de juger de telles affaires. Les tribunaux des nations qui se trouvent actuellement sur le territoire de l’ex-Yougoslavie ne se sont jamais vus refuser la compétence de juger de telles affaires.

Dans plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies auxquelles il est fait référence dans la décision écrite, le Conseil de sécurité a demandé au Tribunal de se concentrer sur les plus hauts dirigeants, ceux qui sont soupçonnés d’être responsables des crimes les plus graves et relevant de la compétence du Tribunal. Le Conseil de sécurité a également demandé au Tribunal de transférer les affaires qui ne concernent pas des personnes de ce niveau hiérarchique devant des juridictions nationales compétentes.

D’où la requête de l’Accusation aux fins de renvoi de la présente affaire devant les autorités de Bosnie-Herzégovine.

L’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal permet le renvoi d’une affaire devant les autorités de l’Ėtat :

(1) sur le territoire duquel le crime a été commis,

(2) dans lequel l’accusé a été arrêté, ou

(3) ayant compétence et étant disposé et tout à fait prêt à accepter une telle affaire.

La gravité des crimes reprochés ainsi que la position hiérarchique des accusés doivent être pris en compte, et avant d’ordonner tout renvoi, la Formation de renvoi doit être convaincue que l’accusé ou les accusés bénéficieront d’un procès équitable et qu’il n'y aura ni imposition, ni exécution de la peine capitale si le procès devait déboucher sur une déclaration de culpabilité.

Les chefs d’accusation
Les quatre accusés doivent répondre de crimes qui ont été commis dans le contexte de la détention de non-Serbes, pour l’essentiel des Musulmans et des Croates de Bosnie, dans les camps d’Omarska et de Keraterm en Bosnie-Herzégovine, entre les mois de mai et d’août 1992. L’accusé Željko Mejakić se voit reprocher d’avoir été, à l’époque des faits, le commandant du camp d’Omarska ; Momčilo Gruban est accusé d’avoir été chef d’une équipe de gardes au camp d’Omarska ; tout comme Dušan Fuštar, mais au camp de Keraterm. Quant à Duško Knežević, il est allégué qu’il n'avait pas de fonction officielle, mais qu’il était en mesure d’entrer dans ces deux camps comme bon lui semblait.

Chacun de ces accusés se voit reprocher cinq crimes :

1. Persécution, un crime contre l’humanité ;

2. Assassinat, un crime contre l’humanité ;

3. Meurtre, une violation des lois et coutumes de la guerre ;

4. Actes inhumains, crime contre l’humanité et violation des lois et coutumes des la guerre ;

5. Traitement cruel, une violation des lois et coutumes de la guerre.

La responsabilité pénale de chacun des accusés, à l’exception de Duško Kneževic, est engagée en vertu des articles 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal international. Pour Duško Knežević, seul l’article 7 1) est invoqué.

Gravité des faits reprochés et position hiérarchique des accusés
Par les motifs qui figurent dans la décision écrite, la Chambre de renvoi est convaincue que les crimes reprochés aux accusés sont effectivement des crimes graves. Cependant, quand on examine ces crimes dans le contexte des autres affaires dont le Tribunal est saisi, on peut constater que ces crimes ne sont pas parmi les « plus graves ».

Bien que Željko Mejakić se voie reprocher d’avoir été le commandant du camp d’Omarska, on ne peut pas considérer qu’il fasse partie des « dirigeants les plus importants ». Quant aux trois autres accusés, ils ne sont en aucune façon des dirigeants.

En conséquence, la Formation de renvoi est convaincue que ni la gravité des faits reprochés, ni la position hiérarchique des accusés au moment des faits n’empêche le renvoi de cette affaire aux autorités d’un État qui remplit les conditions énoncées à l’article 11 bis du Règlement.

Renvoi vers la Bosnie-Herzégovine ou vers la Serbie-et-Monténégro
Les faits reprochés ont été commis en Bosnie-Herzégovine contre des personnes vivant en Bosnie-Herzégovine et par des accusés qui y résidaient à l’époque. Si l’on regarde la situation des accusés, on voit qu’au moins trois d’entre eux étaient ressortissants de Bosnie-Herzégovine au moment des faits, et deux d’entre eux ont été transférés vers le Tribunal pénal international à partir de la Bosnie-Herzégovine.

En revanche, le lien entre les accusés et la Serbie-et-Monténégro est limité. La nationalité a été le principal élément de justification avancé par la Défense et la Serbie‑et‑Monténégro. Il semble que si deux des accusés sont des ressortissants de Bosnie‑Herzégovine depuis leur naissance, ils se sont vus accorder la citoyenneté de Serbie-et-Monténégro en juillet 2004 pour l’un, et en janvier 2005 pour l’autre, c'est‑à‑dire après avoir été placé sous la garde du Tribunal pénal international. Le troisième accusé est né en Bosnie-Herzégovine, mais il n’a pas été établi que lui aussi avait reçu la citoyenneté de Serbie-et-Monténégro. Seul le quatrième accusé semble être citoyen de Serbie-et-Monténégro, et ce depuis sa naissance.

Aussi bien la Bosnie-Herzégovine que la Serbie-et-Monténégro affirment être disposées et tout à fait prêtes à accepter l’affaire. Cependant, vu la nature des rapports entre cette affaire et la Bosnie-Herzégovine, la Formation de renvoi s’est concentrée sur ce dernier État, en partant du principe qu’elle n’examinerait en détail la demande de renvoi de la Serbie-et-Monténégro que si d’autres éléments plaidaient nettement en défaveur du renvoi vers la Bosnie-Herzégovine. Or, ceci ne s’est pas avéré nécessaire.

La législation prévalant en Bosnie-Herzégovine
Si l’affaire est renvoyée en Bosnie-Herzégovine, la législation en vigueur dans ce pays prévoit que l’affaire sera jugée par la Cour d’État. La Cour d’État devra déterminer, pour chacun des actes criminels reprochés aux accusés, la législation qui s’applique. Cependant, la Formation de renvoi a examiné les diverses options qui se présentent et elle est convaincue, pour les raisons qui sont indiquées dans la décision écrite, que quelle que soit l’option choisie, il existe des dispositions qui permettent de poursuivre les accusés pour la plupart, voire la totalité des crimes qui leur sont reprochés dans l’acte d’accusation, et une législation qui prévoit également des peines adéquates en cas de déclaration de culpabilité.

Équité du procès
La Formation de renvoi a procédé à un examen approfondi de la question de l’équité du procès au cas où l’affaire serait renvoyée en Bosnie-Herzégovine. Outre cette question générale de la régularité de la procédure, la Formation de renvoi a répondu de façon précise dans sa décision écrite à chacune des préoccupations exprimées par la Défense :

1. La composition de la Cour d’État ;

2. La capacité qu’elle aurait à modifier l’acte d’accusation actuel s’il y avait décision de renvoi ;

3. L’utilisation, par la Cour d’État, des documents et des jugements rendus par le Tribunal pénal international ;

4. La question de savoir si l’accusé peut interroger les témoins à charge, s’il peut obtenir la comparution des témoins à décharge, et s’il existe des mesures de protection des témoins et des sauf-conduits appropriés ;

5. La détention des accusés pendant le procès ;
6. La possibilité qu’auraient les accusés de choisir leur conseil ;
7. Les retards occasionnés par le renvoi.
La Formation de renvoi prend note, en particulier, des modifications apportées à la loi en Bosnie-Herzégovine pour veiller à ce qu’il y ait des garanties concernant l’équité des procès, généralement comparables à celles qu’applique notre Tribunal. La Chambre de la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine chargée de juger les crimes de guerre a été établie pour être saisie de telles affaires. Elle se compose de juges internationaux et nationaux. Des représentants de l’appareil judiciaire et du Parlement de Republika Srpska ont participé directement à la procédure de désignation des juges nationaux.

La Formation de renvoi est convaincue que les préoccupations soulevées par la Défense ne sont pas fondées. Nos motifs sont présentés de façon complète dans la décision écrite. De surcroît, le Règlement de notre Tribunal prévoit le suivi des affaires qui auraient été renvoyées, ce qui est une garantie supplémentaire s’agissant de l’équité du procès.

La peine de mort
La Formation de renvoi est convaincue que la peine de mort a été abolie en Bosnie‑Herzégovine.

 

Conclusion
La Formation de renvoi a examiné les questions soulevées dans les écritures, et en particulier la question de la gravité du comportement criminel reproché, ainsi que celle de la position hiérarchique des accusés. Convaincue au vu des informations disponibles que les accusés peuvent bénéficier d’un procès équitable et que la peine de mort ne sera ni imposée, ni exécutée, la Formation de renvoi décide d’ordonner le renvoi de l’affaire aux autorités de Bosnie-Herzégovine.

 

Dispositif

Par ces motifs, la Formation de renvoi, en application de l’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve, fait droit à la requête et ordonne que l’affaire Le Procureur contre željko Mejakić, Momčilo Gruban, Dušan Fustar, et Duško Knežević soit renvoyée aux autorités de l’État de Bosnie-Herzégovine, qui saisiront sans délai la juridiction compétente, à savoir la Cour d’État, aux fins du procès en Bosnie-Herzégovine ;

Déclare que le renvoi de la présente affaire n’emportera pas révocation des ordonnances et décisions rendues précédemment par le Tribunal dans cette affaire. Il incombera à la Cour d’État ou aux autorités nationales compétentes de Bosnie‑Herzégovine de décider s’il y a lieu de prendre d’autres dispositions pour les besoins du procès en Bosnie-Herzégovine ;

Ordonne au Greffier du Tribunal d’organiser le transport des Accusés et de leurs effets personnels en Bosnie‑Herzégovine, dans un délai de 30 jours qui commencera à courir à partir du moment où cette décision sera définitive, conformément aux procédures applicables au transfèrement de personnes condamnées dans les États où elles purgeront leur peine ;

Ordonne au Procureur de transmettre au parquet de Bosnie-Herzégovine, dans les meilleurs délais et moins de 30 jours après que cette décision est devenue définitive, les pièces jointes à l’acte d'accusation dressé contre les accusés, ainsi que tout élément de preuve approprié ;

Ordonne au Procureur de poursuivre ses efforts de coopération avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, ou toute autre organisation internationale réputée, afin de suivre de la procédure qui sera engagée devant la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine et d’en rendre compte. Si ces dispositions en matière de suivi et d’établissement de rapport s’avéraient inefficaces, le Procureur devrait s’adresser à la Formation de renvoi pour obtenir de nouvelles instructions.

La Formation de renvoi ordonne également au Procureur de déposer un premier rapport auprès de la Formation de renvoi sur les progrès réalisés par le parquet de Bosnie-Herzégovine six semaines après le transfert des éléments de preuve, et aussi tous les trois mois après le début du procès, incluant les informations sur l’évolution de la procédure engagée devant la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine. Il faudra aussi inclure les rapports fournis au Procureur par l’organisation internationale chargée de suivre le procès et d’en rendre compte.

La Formation ordonne, enfin, que les mesures de protection accordées aux victimes et aux témoins, telles qu’elles sont contenues dans l’annexe confidentielle, continuent de s’appliquer, et que les demandes de mesures de protection qui n’ont pas encore été tranchées par le Tribunal soient transmises à la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine, qui statuera.

La Formation de renvoi a ajouté que, afin d’éviter toute incertitude, l’accusé Momčilo Gruban resterait en détention tant que la Chambre chargée de la mise en état n’aura pas envisagé l’effet de la décision sur sa mise en liberté provisoire avant le procès.

 

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Le texte intégral de la Décision est disponible (en anglais) sur le site Internet du Tribunal : www.un.org/icty. Des exemplaires peuvent également être obtenus auprès du Bureau de presse. Les audiences du Tribunal peuvent être suivies sur le site Internet du TPIY.


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