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Le Tribunal déclare Radovan Karadžić coupable de crimes commis en Bosnie Herzégovine

Tribunal | | La Haye |

La Chambre de première instance III du Tribunal pénal international pour l’ex‑Yougoslavie (le « TPIY ») a aujourd’hui déclaré Radovan Karadžić, ancien Président de la Republika Srpska et commandant suprême de ses forces armées, coupable de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations des lois ou coutumes de la guerre, pour les crimes commis par les forces serbes durant le conflit armé en Bosnie‑Herzégovine (la « BiH »), de 1992 à 1995. Il a été condamné à une peine de 40 ans d’emprisonnement.

Radovan Karadžić a été déclaré coupable de génocide, pour les crimes commis dans la région de Srebrenica en 1995, de persécutions, d’extermination, d’assassinat, de meurtre, d’expulsion, d’actes inhumains (transfert forcé), de terrorisation, d’attaques illégales contre des civils et de prise d’otages. Il a été acquitté du chef de génocide pour les crimes commis dans d’autres municipalités de BiH en 1992.

La Chambre a conclu que Radovan Karadžić avait commis ces crimes du fait de sa participation à quatre entreprises criminelles communes.

L’entreprise criminelle commune principale, qui a existé d’octobre 1991 à novembre 1995, comprenait un projet commun visant à chasser à jamais les Musulmans et les Croates de Bosnie du territoire revendiqué par les Serbes de Bosnie, par la perpétration de crimes dans des municipalités de Bosnie‑Herzégovine (les « Municipalités »).

La Chambre a conclu qu’un grand nombre de Musulmans et de Croates de Bosnie vivant dans les Municipalités avaient été déplacés par la force de leurs foyers par les forces serbes. D’autres victimes ont été arrêtées, détenues dans des centres de détention, souvent dans des conditions de vie inhumaines où elles ont été torturées, battues, violées et soumises à d’autres actes de violence sexuelle, puis transportées hors des Municipalités. Les forces serbes ont également tué de nombreux Musulmans et Croates de Bosnie pendant et après la prise de contrôle des Municipalités lors d’exécutions en masse ou après les attaques des villages non serbes.

Radovan Karadžić a contribué de manière importante à l’entreprise criminelle commune principale. Il jouait un rôle de premier plan dans le développement de l’idéologie et de la politique qui a abouti, par la commission de crimes, à la création d’un État des Serbes de Bosnie le plus ethniquement homogène possible. À la tête des structures politique, militaire et gouvernementale, il pouvait utiliser son pouvoir et son influence pour réaliser l’objectif de l’entreprise criminelle commune principale.

La Chambre a conclu, s’agissant des Municipalités, que Radovan Karadžić était coupable de persécutions, d’extermination, d’expulsion, de transfert forcé, de meurtre et d’assassinat. La Chambre n’a toutefois pas été en mesure d’identifier ou de déduire une intention génocidaire et ne disposait donc pas d’éléments de preuve suffisants pour conclure au-delà de tout doute raisonnable que le génocide avait été commis dans les Municipalités.

Les juges ont également conclu que, entre avril 1992 et novembre 1995, Radovan Karadžić avait participé à une entreprise criminelle commune visant à concevoir et mettre en œuvre une campagne de tirs isolés et de bombardements contre la population civile de Sarajevo dans le principal objectif de répandre la terreur parmi les civils (l’« entreprise criminelle commune relative à Sarajevo »).

Durant cette période, l’armée de la Republika Srpska (la « VRS ») a délibérément pris pour cible, par des tirs isolés et des bombardements, les civils de Sarajevo, et ce, presque quotidiennement tout au long du conflit. « Les civils de Sarajevo étaient pris pour cible lorsqu’ils allaient chercher de l’eau, marchaient dans la rue ou utilisaient les transports publics. Les enfants étaient visés lorsqu’ils jouaient devant chez eux, marchaient avec leurs parents ou rentraient à pied de l’école », a déclaré le Juge Kwon, Président de la Chambre.

La Chambre a conclu que Radovan Karadžić avait contribué de manière importante à l’entreprise criminelle commune relative à Sarajevo, à la fois en tant qu’autorité politique la plus élevée de la RS et que commandant suprême de la VRS. Ayant exercé un contrôle sur la VRS tout au long du conflit, il est directement intervenu dans les questions militaires concernant Sarajevo et a donné de nombreux ordres, tant sur le plan stratégique qu’opérationnel. Radovan Karadžić s’est servi de la campagne de tirs isolés et de bombardements qui répandait la terreur parmi la population civile de Sarajevo pour faire pression sur les dirigeants des Musulmans de Bosnie et la communauté internationale en vue d’atteindre ses objectifs politiques.

Les juges ont conclu que Radovan Karadžić était coupable d’attaques illégales contre les civils, de meurtre et de terrorisation.

La Chambre a également établi qu’il existait une entreprise criminelle commune dont l’objectif commun visait à prendre en otage du personnel de l’ONU en vue de contraindre l’OTAN à renoncer aux frappes aériennes contre des objectifs militaires serbes de Bosnie (l’« entreprise criminelle commune relative aux otages »).

À cette fin, entre le 26 mai environ et le 19 juin 1995, des membres du personnel de l’ONU ont été détenus par les forces serbes de Bosnie et emmenés en divers endroits de BiH. Certains ont été menottés devant des lieux présentant un intérêt militaire. Radovan Karadžić avait non seulement l’intention de détenir des membres de l’ONU mais aussi de faire en sorte que des menaces soient proférées à leur égard pendant leur détention afin d’atteindre l’objectif visant à faire cesser les frappes aériennes de l’OTAN.

Les juges ont conclu que Radovan Karadžić avait apporté une contribution importante à la réalisation de l’objectif commun de l’entreprise criminelle commune relative aux otages et qu’il était donc coupable de prise d’otages.

Par ailleurs, la Chambre a conclu que, en 1995, Radovan Karadžić avait participé à une entreprise criminelle commune visant à chasser à jamais les Musulmans de Bosnie de Srebrenica (l’« entreprise criminelle commune relative à Srebrenica »).

À la suite de la prise de contrôle de Srebrenica par la VRS en juillet 1995, ordonnée par Radovan Karadžić, environ 30 000 Musulmans de Bosnie — des femmes, des enfants et des hommes âgés — ont été déplacés de force de l’enclave vers le territoire sous contrôle musulman. La Chambre a conclu que Radovan Karadžić avait l’intention de chasser à jamais la population musulmane de Bosnie de Srebrenica.

Après la prise de contrôle de la ville, les forces serbes de Bosnie ont détenu les hommes et garçons musulmans de Bosnie dans un certain nombre d’endroits dans la région. À partir du 13 juillet 1995 et les jours suivants, les hommes détenus ont été emmenés non loin pour être exécutés.

« En sa qualité de Président de la Republika Srpska et de commandant suprême de la VRS, l’Accusé était la seule personne en Republika Srpska qui avait le pouvoir d’intervenir pour empêcher le meurtre des hommes musulmans de Bosnie », a déclaré le Juge Kwon. Radovan Karadžić a lui-même ordonné que les hommes musulmans de Bosnie détenus à ce moment-là à Bratunac soient transférés ailleurs pour être tués. La Chambre a conclu que Radovan Karadžić partageait avec Ratko Mladić et d’autres l’intention de tuer chaque homme musulman de Srebrenica valide, ce qui est assimilable à l’intention de détruire les Musulmans de Bosnie de Srebrenica comme tels.

La Chambre a conclu que Radovan Karadžić était coupable de génocide pour les crimes commis à Srebrenica, sur la base de sa participation et de sa contribution à l’entreprise criminelle commune.

Les parties ont le droit de faire appel du jugement.

Radovan Karadžić a droit à ce que le temps passé en détention soit déduit de la durée totale de la peine. Il est en détention préventive depuis le 21 juillet 2008.

La Chambre de première instance était composée des Juges O-Gon Kwon, Président de la Chambre, Howard Morrison, Melville Baird et Flavia Lattanzi, juge de réserve.

Le procès s’est ouvert le 26 octobre 2009 et a duré au total 498 jours, pendant lesquels 11 500 pièces à conviction ont été admises au dossier. La Chambre de première instance a entendu au total 586 témoins, dont 337 ont été appelés par l’Accusation, 248 par la Défense et un par la Chambre.

Depuis sa création, le Tribunal a mis en accusation 161 personnes pour des violations graves du droit humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie entre 1991 et 2001. Les procédures à l’encontre de 149 d’entre elles sont closes. Des procédures sont en cours concernant 12 personnes.